Articles

Le budget de Trudeau mise sur une croissance rapide et une faible inflation

20 avril, 2021   |   Par Kadiatou Bah

Le gouvernement de Justin Trudeau a publié un budget qui promet de grosses dépenses dans certains nouveaux programmes sociaux, préparant le terrain pour une éventuelle élection fédérale.

La Ministre des Finances Chrystia Freeland a présenté lundi des plans pour un programme national de garde d’enfants s’inspirant de celui du Québec, qui est le cœur de ce budget. Plus de 101 milliards de dollars canadiens (80,6 milliards de dollars) seront investis au cours des trois prochaines années. Le budget comprend également des extensions des programmes de secours en cas de pandémie ainsi que plus d’argent pour les retraités, les travailleurs à faible revenu, des subventions pour les entreprises, une aide aux étudiants et des milliards pour les soins de santé en plus de 200 autres nouvelles mesures.

Le budget de près de 500 milliards de dollars canadiens est un pari dont les électeurs appuieront la vision de Trudeau et Freeland selon laquelle le gouvernement joue un rôle plus important dans l’économie à long terme. Cela dit, le succès de ce plan repose sur une croissance robuste et une inflation modeste permettant une bonne quantité de recettes fiscales et de faibles coûts d’emprunt.

« Les perspectives financières à moyen terme dépendent fortement d’une reprise vigoureuse au cours de la prochaine année sans une forte augmentation des coûts d’emprunt », a déclaré Doug Porter, Économiste en chef à la Banque de Montréal, dans un rapport aux investisseurs. « Les deux hypothèses sous-jacentes sont des risques clés pour ce plan », affirma-t-il.

Le Canada prévoit un déficit de 155 milliards de dollars canadiens pour l’année en cours, soit environ 6,4% du PIB. 

Le gouvernement s’est engagé à continuer de réduire la dette qui occupe une bonne part de l’économie à moyen terme. La dette fédérale nette devrait atteindre 51,2% du PIB en 2021 avant de baisser à 49,2% d’ici 2025.

« Qu’ils soient capables de maintenir le ratio dette / PIB à un niveau raisonnable, c’est une chose assez positive », a déclaré par téléphone Jean-François Perrault, Économiste en chef à la Banque de Nouvelle-Écosse.

Le budget repose sur les prévisions d’une reprise rapide en 2021 et 2022, une croissance suffisamment forte pour maintenir les impôts, mais pas assez forte pour provoquer une flambée des prix donc, de l’inflation.

« C’est un budget historiquement important, une énorme initiative de dépenses », a déclaré Kevin Page, Ancien Directeur parlementaire du budget du Canada, dans une interview à BNN Bloomberg Télévision.

Le rendement des obligations de référence à 30 ans a atteint 2,06% après avoir clôturé la semaine dernière en dessous de 2%. C’est en partie parce que le gouvernement prévoit d’ émettre plus de dettes, en profitant des taux relativement bas.

Moment historique

Ce budget est historique, car Freeland en tant que première femme chef des finances suit la trace des plans budgétaires libéraux précédents en cherchant à étendre l’État et à rendre les programmes sociaux plus généreux.

L’élément le plus coûteux est de 30 milliards de dollars canadiens sur cinq ans pour établir un système national de garderies, dans le but de fournir des places qui coûteront aux parents 10 $ CAN par jour. Le Québec a été félicité pour avoir encouragé plus de femmes à rejoindre la force de travail grâce à ce type de programme déjà en place.

«Il s’agit d’une infrastructure sociale qui stimulera l’emploi et la croissance. C’est une politique économique féministe. C’est une politique économique intelligente », a déclaré Freeland dans son discours sur le budget.

Son plan prévoit également de l’aide d’urgence aux entreprises touchées par la pandémie. Cela comprend des subventions pour les salaires et le loyer, qui seront disponibles jusqu’à la fin septembre, et un programme temporaire pour donner aux entreprises jusqu’à 1 129 $ CAD par semaine pour aider à assumer de nouvelles embauches.

Le gouvernement a ajouté quelques mesures fiscales populistes qui ne rapporteront pas beaucoup de revenus, mais qui étaient attendues pour tenter de refroidir un peu le secteur immobilier. Les propriétaires étrangers non résidents devront s’acquitter d’une taxe de 1% s’ils possèdent une maison au Canada qui est vacante. 

De plus, une taxe de luxe sera prélevée sur les avions et les voitures d’une valeur de plus de 100 000 dollars canadiens.

À partir de 2022, certaines entreprises numériques devront s’acquitter d’une taxe de 3% sur les revenus des «services numériques qui reposent sur les données et les contributions de contenu des utilisateurs canadiens» – une mesure conçue pour tirer de l’argent des géants de la technologie, dont Facebook inc. Le gouvernement pense recueillir 3,4 milliards de dollars canadiens sur cinq ans grâce à ces prélèvements.

Le budget va maintenant faire l’objet d’un vote à la Chambre des communes, où les libéraux auront besoin de l’appui d’au moins un autre parti de l’opposition. Ne pas l’adopter entraînerait la défaite du gouvernement, déclenchant des élections.

L’appui viendra probablement du Nouveau Parti Démocratique de gauche dirigé par Jagmeet Singh, le quatrième parti en importance à l’Assemblée Nationale. Le NPD préconise depuis longtemps une stratégie nationale de service de garde d’enfants et une politique de congés de maladie payés plus généreuse, toutes deux inscrites au budget. Mais Singh a critiqué le plan budgétaire pour ne pas avoir collecté suffisamment d’argent auprès des ultra-riches pour payer la dette croissante et a déclaré que son parti continuerait de se battre pour plus d’aide aux familles, un programme national d’assurance-médicaments et plus de congés de maladie payés.

“Avec une troisième vague qui nous frappe fort, il serait irresponsable d’avoir des élections”, a déclaré Singh aux journalistes. « Nous refusons absolument de déclencher une élection pendant la pandémie. »

En ce qui concerne les principaux blocs électoraux, y compris les femmes et les personnes âgées, le budget de Trudeau est politiquement délicat pour son plus grand rival, les conservateurs d’Erin O’Toole. S’ils s’opposent au budget ou critiquent les déficits, les libéraux essaieront de les présenter comme le parti de l’austérité.

Le chef qui voudrait peut-être le plus voter est Trudeau, dont la gestion de la crise de Covid-19 a aidé ses libéraux à ouvrir une large avance dans les sondages . Depuis le début de la pandémie, les électeurs canadiens ont montré une préférence pour s’en tenir à ce qu’ils savent, en réalisant les gouvernements sortants lors de quatre élections provinciales qui ont eu lieu durant celle-ci.

Pas d’impôt sur les plus-values gagnées ​​sur les ventes des résidences principales

Ceux qui attendaient que le Gouvernement prenne des actions pour refroidir concrètement le marché immobilier restent donc sur leur faim.

Un terme qui était notoirement absent de l’ensemble du document budgétaire est « l’impôt sur les plus-values », qui, selon certains spéculateurs, auraient été ajoutées aux ventes des résidences principales dans le nouveau budget.

Les gains en capital représentent de l’impôt payé lors de la vente d’un investissement, comme une action par exemple. Dans l’état actuel des choses, 50 % des revenus de ces placements sont imposés. Donc, si vous achetez une action à 10 $ et la vendez 20 $, vous devrez ajouter cinq dollars sous vos déclarations d’impôt, à titre de revenu. La vente de résidences principales est actuellement exemptée d’impôt sur les plus-values.

Cependant, les Canadiens doivent actuellement payer l’impôt sur les gains en capital lors de la vente de toute résidence secondaire. L’idée d’imposer un impôt sur les plus-values ​​sur la vente des résidences principales a été lancée comme une méthode potentielle pour refroidir le marché. Si elle était imposée, toute personne vendant une maison au Canada aurait été soumise à de l’impôt sur les gains en capital appliqué sur les bénéfices qu’elle aurait tirés de la vente.

Cependant, le gouvernement libéral a évité cette perspective dans son nouveau budget, apaisant les craintes des Canadiens qui détiennent une part massive de leur valeur nette chez eux.