Articles

Les intérêts hypothécaires canadiens sont maintenant inférieurs au taux d’inflation

10 août, 2021   |   Par Kadiatou Bah

Les taux hypothécaires canadiens sont si bas ces temps-ci, qu’ils ne peuvent qu’attiser la demande de maisons. Le taux d’intérêt d’une hypothèque au Canada est récemment tombé sous le taux d’inflation. Cela arrive rarement, et la dernière fois que les taux hypothécaires réels ont été aussi négatifs, c’était il y a plus de 40 ans. Dans le contexte antérieur, le pays était au milieu d’une crise d’inflation, où tout le monde achetait une propriété pour se couvrir. Cette situation avait conduit à une bulle, qui a violemment éclaté peu de temps après. 

Taux d’intérêt hypothécaires réels

L’intérêt hypothécaire réel est le taux d’intérêt payé, moins le taux d’inflation annuel. Pour faire simple, une dette hypothécaire avec un taux d’intérêt de 2% dans un environnement où l’inflation est de 2% afficherait donc un taux réel de 0%. Si l’inflation se maintient, le prêteur vous donne de l’argent, sans réel profit.  Il s’agit essentiellement d’un prêt gratuit. Cela n’arrive pas très souvent, mais cela se produit actuellement au Canada.

Les taux d’intérêt hypothécaires réels n’ont pas été aussi bas depuis les années 1970

La dette hypothécaire canadienne est transigée à un taux inférieur au taux d’inflation actuel. En général, le type de prêt hypothécaire le plus populaire est celui à taux fixe d’une durée de 5 ans. Ce taux se chiffrait à 4,79 % en juin, s’établissant à 1,7 % au-dessus du niveau de l’inflation pour ce mois. C’est toujours un nombre positif, et ce serait une grande marge bénéficiaire. Cela reflète en théorie un marché sain et en plein essor. Mais un seul problème se pose à l’horizon, personne ne paie le taux hypothécaire affiché.  

La plupart des analyses sont effectuées sur le taux fixe affiché pour une durée de 5 ans, qui est souvent utilisé pour définir la politique. Les prêteurs facturent rarement ce taux et son utilisation principale est pour calculer les pénalités. Le meilleur taux disponible est généralement inférieur au taux affiché de 220 à 250 points de base. Examinons le taux préférentiel pour avoir une meilleure perspective.

Le taux préférentiel des prêts hypothécaires est bien inférieur au taux affiché. Il était de 2,45 % en juin, soit 234 points de base de moins que le taux fixe affiché pour une durée de 5 ans. Corrigé de l’inflation, le taux réel est de -0,6 % pour juin. Une petite amélioration par rapport au -1,2% observé en mai, mais c’est quand même un nombre négatif. C’est assez gros lorsque les chiffres impliqués sont des milliards de dollars. Les prêteurs facturent donc moins cher que le taux d’inflation actuel.

Taux hypothécaire canadien à moyen terme

Le Canada n’a pas connu ce genre de rabais important depuis des générations. Le taux réel de -1,2 % est le plus bas depuis la fin des années 1970, alors qu’il y avait une crise d’inflation. Cela a conduit tout le monde à acheter des maisons qui jouaient le rôle de « couverture contre l’inflation ». Cela a créé une bulle, qui a éclaté au début des années 1980, et de nombreuses larmes ont coulé. Un actif mal évalué est souvent réévalué à une valeur plus juste une fois la raison de l’erreur d’évaluation corrigée.

La dette hypothécaire canadienne avec une faible protection des taux monte en flèche

Les faibles taux d’intérêt ont poussé les volumes des montants hypothécaires plus conventionnels vers des taux variables. Les données sur les taux variables à long terme ne sont pas disponibles, mais les données sur les taux fixes à 1 an sont assez proches. Les taux ne s’écartent que de 5 points de base du terme variable de 3 ans, ils donneront donc une vue plus proche.

Les prêts hypothécaires conventionnels à taux d’intérêt fixe d’un an ont atteint 2,79 % en juin dernier. Après ajustement pour l’inflation, le taux est de -0,3 % en termes réels. Les prêts hypothécaires à court terme au Canada n’ont jamais été aussi bon marché.

Plusieurs se demandent si cela signifie qu’ils devraient se couvrir de dettes maintenant. Pour les personnes qui renouvellent leur prêt hypothécaire, il est évident que l’état actuel des choses est bénéfique. Si en revanche vous achetez une propriété, la réponse n’est pas très claire, cela ressemble plus à un pari. 

Dans des circonstances normales, l’hypothèse est que l’inflation sera stable au fil du temps. Ce n’est pas ce que disent les banques centrales. En fait, elles prédisent carrément que l’inflation ne sera pas aussi élevée. Un taux réel négatif aujourd’hui pourrait ne pas en être un l’an prochain. Dans ce cas, les prêteurs tablent probablement sur une baisse de l’inflation. Cela leur permettrait de soutenir des prêts inférieurs au taux actuel.

La durée du contrat est également quelque chose d’autre à considérer. Aux États-Unis, où la monnaie est la plus liquide au monde, les taux hypothécaires peuvent être garantis pendant toute la durée de l’hypothèque. Pas de surprises si l’inflation devient incontrôlable et que par conséquent l’État doit cesser de supprimer les taux, la personne qui a déjà signé pour 30 ans, devra certainement assumer et payer. 

Au Canada, vous payez une prime élevée pendant plus de 5 ans. Cela laisse la plupart des parieurs sur le solde au moment de renouveler leur hypothèque. Le défaut de paiement n’est pas une préoccupation puisque ces emprunteurs sont soumis à des tests de résistance. Cependant, l’appréciation de la maison risque de ralentir ou de se corriger en cas de hausse des taux.

Que peut-on en conclure? Cette inadéquation atteste de l’inefficacité massive du marché du logement en passant par le financement. Le taux d’intérêt réel est inférieur à zéro, comme s’il fallait stimuler davantage l’emprunt. La croissance du crédit est à un sommet de plusieurs décennies alors que les ventes de maisons sont juste en dessous des records et que les prix augmentent au rythme le plus rapide de l’histoire.