Au Canada, le taux d’inflation annuel est monté à 2 % en octobre 2024, contre un creux de plus de trois ans à 1,6 % le mois précédent, dépassant les attentes du marché de 1,9 %.
Cependant, notons que les hausses de salaires sont inférieures à la hausse des prix des denrées alimentaires, une force majeure à l’origine des conflits de travail qui ont bouleversé les chaînes d’approvisionnement du pays.
En l’espace de quatre mois, le pays du Nord a été secoué par des arrêts de travail touchant des infrastructures clés. Le gouvernement du premier ministre Justin Trudeau a forcé les chemins de fer à reprendre le travail en août et a renvoyé les débardeurs de Vancouver et de Montréal au travail plus tôt ce mois-ci. Aujourd’hui, les travailleurs des postes sont en grève alors que la période des Fêtes commence.
Si les grèves sont en partie le reflet d’une période de rattrapage pour les salariés syndiqués ayant des contrats de longue durée, leurs revendications salariales reflètent l’érosion dramatique de leur pouvoir d’achat ces dernières années. Le syndicat des postiers réclame une augmentation de salaire de 24 % sur quatre ans ; d’autres groupes syndicaux réclament également des augmentations à deux chiffres.
Dans de nombreuses économies avancées, les travailleurs se sentent de plus en plus pauvres, ce qui contribue à la chute des gouvernements en place aux États-Unis, au Royaume-Uni et ailleurs. Trudeau a annoncé des milliards de dollars de mesures destinées à apaiser l’anxiété des électeurs face au coût de la vie, alors même que les prix à la consommation oscillent autour de l’objectif de 2 % depuis des mois.
Faire du surplace
Le Syndicat canadien des travailleurs et travailleuses des postes a déclaré qu’il exigeait des augmentations parce que « trop de gens ont perdu du terrain » pendant la hausse des prix. « L’inflation est en baisse, mais cela ne veut pas dire que nous sommes revenus au niveau où nous étions », a déclaré par téléphone Jim Gallant, le négociateur du syndicat.
Selon les données de Statistique Canada, les prix des produits alimentaires ont augmenté de 20 % au cours des trois dernières années, tandis que les salaires ont augmenté d’environ 12 %. Les gens sont donc constamment sous le choc lorsqu’ils font la queue à la caisse.
« Il est assez frappant de constater à quelle vitesse les prix des denrées alimentaires ont augmenté au cours des dernières années, au point que les salaires par rapport aux prix des denrées alimentaires sont restés relativement stables », a déclaré Brendon Bernard, économiste principal du site d’offres d’emploi Indeed. « Si les prix globaux dans l’ensemble de l’économie montrent que nous avons fait des progrès, lorsqu’il s’agit d’acheter réellement de la nourriture, l’impression que les gens sont à la traîne se confirme. »
En octobre, les prix des produits alimentaires ont augmenté de 2,7 % par rapport à l’année précédente, en hausse par rapport aux 2,4 % enregistrés en septembre. C’est également le troisième mois consécutif où les hausses ont dépassé l’inflation globale. Les prix des légumes frais, par exemple, ont bondi de 7,3 % le mois dernier par rapport à l’année précédente, ce qui souligne le taux d’inflation toujours élevé de certains des produits les plus fréquemment achetés par les Canadiens.
Immobilier
Les Canadiens sont également aux prises avec un autre poste budgétaire majeur : le logement. Les loyers moyens demandés au pays ont diminué en octobre pour la première fois depuis la pandémie de COVID-19, mais sont toujours en hausse de 22 % par rapport au même mois en 2021. Et bien que la Banque du Canada ait commencé à réduire les taux d’intérêt, elle affirme que le logement n’a pas été aussi inabordable depuis 1990.
La ministre des Finances, Chrystia Freeland, a exposé lundi les arguments de son gouvernement en faveur du plan visant à renoncer temporairement aux taxes de vente fédérales sur certains articles et à envoyer des chèques de 250 $ CA à près de 19 millions de travailleurs, affirmant qu’il existe un décalage entre les récentes données économiques positives et ce que ressentent les Canadiens.
« Le fait que l’économie canadienne semble vouée à un atterrissage en douceur est une bonne nouvelle, mais les Canadiens ne le ressentent pas », a-t-elle déclaré.
« Cela façonne leur comportement économique d’une manière qui n’est pas favorable à l’économie canadienne. »
La croissance du salaire horaire des employés permanents au Canada reste élevée, à plus de 4 % sur un an. Mais la banque centrale estime que le ralentissement du marché du travail contribuera à atténuer les pressions salariales dans les mois à venir. Dans son enquête trimestrielle auprès des entreprises, celles-ci ont également déclaré qu’elles s’attendaient à ce que la croissance des salaires ralentisse au cours de l’année prochaine.
Au cours des négociations entre la Société canadienne des postes et le syndicat qui représente quelque 55 000 travailleurs, les salaires demeurent l’un des principaux enjeux non résolus. L’employeur a indiqué dans un communiqué qu’il avait offert une augmentation salariale de 11,5 % sur quatre ans, ainsi que davantage de congés payés et des protections pour les régimes de retraite à prestations déterminées et la sécurité d’emploi.
L’entreprise a perdu plus de 3 milliards de dollars canadiens depuis 2018 et vient d’afficher une perte de 315 millions de dollars canadiens avant impôts au troisième trimestre, a-t-elle souligné, ajoutant qu’elle essayait de mettre à jour d’urgence ses activités pour offrir une livraison sept jours sur sept.
« Postes Canada entame maintenant la semaine chargée du magasinage en ligne du Vendredi fou, avec une fermeture complète puisque la grève nationale du STTP en est à son onzième jour », a indiqué l’entreprise lundi. « Nous avons perdu près de 10 millions de colis depuis le début de la grève, et ce chiffre ne fera qu’augmenter à mesure que la grève se poursuivra et que les gens chercheront à se faire livrer ailleurs.