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7 mythes sur les valeurs économiques en investissement immobilier multilogement

18 septembre, 2018   |   Par Nikolaï Ray

La valeur économique (VÉ) bancaire reflète la capacité d’emprunt d’un immeuble selon des ratios financiers définis. C’est un modèle de gestion de risque utilisé par les institutions financières afin de s’assurer que les revenus d’exploitation nets d’un immeuble sont suffisants pour effectuer les paiements de la dette mensuelle à échéance.

Saviez-vous?
La VÉ est calculée à partir de plusieurs variables différentes d’une institution à l’autre. Il est donc normal que plusieurs banquiers calculent des valeurs complètement différentes.

Le fait d’installer une dette à long terme sur un immeuble à revenus ne se résume pas à trouver la plus grande valeur économique. Avant tout, votre choix doit être adapté à votre stratégie de portefeuille et aux conditions du marché dans lequel vous êtes. C’est là que je vois les investisseurs faire des erreurs stratégiques graves : un manque de compréhension du concept de valeur économique. Voici donc les plus communs mythes à propos de la valeur économique, selon mon expérience d’accompagnement des investisseurs immobiliers.

Attention! Cet article n’est pas simple pour pour un débutant. Afin d’éviter de se briser le cerveau : prenez un café, ayez un dictionnaire à portée de la main et éloignez toute source de distractions.

Penser à tort qu’il n’existe qu’une seule définition de la valeur économique

Pour un initié à la finance, la nature mathématique de la VÉ est relativement simple. C’est une valeur actualisée (VA) d’une annuité divisée par un ratio prêt-valeur (RPV) défini par le prêteur.

Définition
La valeur actualisée est la valeur à l’instant d’un bien qui générera des flux financiers dans l’avenir. La valeur actualisée tient compte d’un taux d’actualisation basé sur le fait qu’un dollar aujourd’hui vaut plus qu’un dollar dans dix ans.

Définition
Le rapport prêt-valeur est un terme financier utilisé par le prêteur pour exprimer le ratio d’un prêt sur la valeur de l’actif acheté.

Dans cette formule, nous utilisons plusieurs variables : un taux d’actualisation (taux de qualification), l’amortissement, l’annuité (PMT) qui est calculée à partir des revenus nets d’exploitation normalisés. Ces derniers sont divisés par un ratio de couverture de la dette (RCD), aussi appelé coefficient de couverture de la dette (CCD).

Définition
Une annuité est le paiement annuel, au moyen duquel l’emprunteur éteint sa dette, intérêts et capital, au bout d’un certain nombre d’années.

En plus de ces variables, chaque prêteur établit ses propres normes de crédit selon sa perception du risque et de son appétit pour le marché immobilier multilogement dans son portefeuille. C’est-à-dire, votre capacité à faire un choix de financement entre différents prêteurs réside dans votre connaissance des rouages bancaires et des modalités de financement associés à un prêt. La réflexion doit aller au-delà du taux d’intérêt et de la quotité de financement élevée.

Définition
La quotité de financement représente la part du projet financée par le crédit accordé à l’emprunteur. Ainsi, la quotité de financement se calcule selon le ratio suivant: «montant du crédit / montant total du projet».

Le choix d’un financement en fonction de la VÉ n’a pas pour seul objectif l’augmentation du rendement des capitaux. Par exemple, ce serait injustifié de financer une acquisition avec l’assurance SCHL pour un immeuble multilogement qui nécessite une optimisation des revenus sur deux ans. Pourtant, bon nombre d’acquéreurs se tourneront vers l’assurance SCHL, parce-qu’ils croient qu’il est toujours mieux d’investir moins en mise de fonds ou parce-qu’un taux d’intérêt grandement inférieur semble être avantageux.

Malheureusement, dans un marché de hausse des taux de qualification, cette décision résulte souvent en une perte de capacité de levier lors du refinancement de l’actif, après l’optimisation des revenus. Il faut comprendre que la SCHL et les banques financent le plus petit montant entre le prix demandé, la valeur marchande (VM) et la valeur économique.

Par contre, une dette plus grande (par exemple, 1.5 % de plus qu’un prêt assuré SCHL) avec un amortissement et une quotité de financement plus petits auraient permis :

  • de refinancer plusieurs fois durant l’optimisation;
  • une plus grande flexibilité du prêteur sur la reconnaissance de la nouvelle valeur après l’optimisation;
  • une meilleure gestion de risques concernant l’évolution du TGA de notre marché.

Et ça ne compte pas le risque de perte de notre capitalisation due au financement de la prime d’assurance ou le changement dans notre RCD. Pour en apprendre plus sur le risque de perte de capitalisation, lisez 5 façons de réduire le risque associé au levier en immobilier multilogement.

Assumer que la VÉ est basée sur un TGA de marché

Le TGA de marché est basé sur la valeur marchande (VM) et sa valeur est déterminée par un évaluateur agréé. Cette supposition erronée est compréhensible car, historiquement, la VM est le point de référence pour un financement. Effectivement, le TGA de marché est supérieur au TGA de valeur économique, c’est-à-dire que les VM sont inférieures aux VÉ.

Pourquoi ça change? Simplement dit, la volatilité des marchés boursiers et l’incertitude économique ont poussé les investisseurs à placer dans des produits financiers moins risqués. Ceci a généré une pression à la hausse de la demande en obligations hypothécaires, donc une augmentation de leur valeur et une diminution de leur rendement. En parallèle, la Banque du Canada anticipait une faible croissance économique et a baissé le taux directeur dans le but de stimuler l’économie.

Parce-que les obligations hypothécaires et la prime de risque associée à l’inflation sont des composants majeurs du coût des fonds des institutions financières, nous avons assisté à des baisses remarquables des taux d’intérêts. Ceci affecte directement le facteur d’actualisation dans le calcul de la valeur actualisée d’une annuité, ce qui enchaîne une plus grande capacité de levier et une plus grande demande pour le multilogement,  provoquant une inversion des valeurs. Cette inversion de la VM et de la VÉ se produit dans les marchés à très forte densité, créant un nouveau point de référence pour le financement bancaire.

Oui, le marché a toujours eu tendance à reconnaître une valeur plus élevée que le bancaire. Par contre, cette nouvelle réalité a donné naissance à des primes de marché remarquables! Il est possible, voir normal, de constater des transactions dans un marché comme Montréal avec des TGA de marché de 4.5 % versus des TGA de VÉ de 5.5 %.

Attention! Cette réalité n’est pas présente dans tous les marchés. Certains marchés plus petits sont encore financés sur la VM, soit avec des TGA de marché plus élevés que les TGA de VÉ.

Baser la VÉ sur un TGA de coût moyen de CMPC

Encore une fois, il s’agit d’une erreur compréhensible. Dans une évaluation immobilière, on appelle « valeur économique » l’actualisation à partir du coût moyen pondéré du capital (CMPC) nécessaire au projet. Il faut comprendre que l’utilisation du mot « économique » ici fait référence à des variables financières et que la VÉ dont je discute dans cet article est une VÉ bancaire.

De plus, l’utilisation du taux d’actualisation dans cette technique sert à calculer une valeur actualisée d’une annuité perpétuelle alors que la VÉ bancaire est calculée selon une annuité simple ou générale.

Bref, il agit de deux choses différentes!

Penser que les VÉ sont stables

Contrairement à la VM, basée principalement sur des transactions passées, la VÉ bancaire tient compte des conditions de financement au jour le jour.

Comme mentionné ci-dessus, plusieurs variables affectent les VÉ bancaires. À court terme, la principale variable qui peut affecter la VÉ est le taux de qualification (taux d’actualisation de l’annuité). Le taux de qualification tient compte de différentes primes de risque associées à des anticipations sur la conjoncture économique. Il peut donc changer presque quotidiennement!

Un suivi diligent de la VÉ de votre portefeuille immobilier est indispensable à une saine gestion du risque. Chaque décision financière qui a un impact sur les revenus et les dépenses d’un immeuble à revenus devrait faire l’objet une analyse de la VÉ!

Baser les VÉ sur le taux d’intérêt contractuel (taux payé)

Il est important de toujours garder en tête qu’il s’agit d’un modèle de gestion de risques. C’est-à-dire que que l’institution financière se garde une marge de manœuvre pour déterminer votre capacité d’emprunt et utilise un taux plus élevé que celui payé. Par exemple, si le taux d’intérêt sur votre hypothèque est de 3 %, la VÉ est basée sur plus que 3 %!

Saviez-vous
Lors d’une personnelle, l’institution bancaire effectue une simulation de crise («stress test») au taux le plus élevé entre le taux en vigueur de la banque du Canada ou le taux payé plus 2%. Pour les transactions commerciales, il y a une corrélation entre l’augmentation du taux directeur de la Banque du Canada, les obligations hypothécaires et les taux de qualification.

Baser les VÉ sur les revenus et dépenses réels de l’immeuble

Un revenu net d’exploitation normalisé est calculé à partir de certains postes de dépenses normalisées. C’est-à-dire qu’au lieu d’utiliser les montants réels, ils utilisent des règles précises pour uniformiser les montants de ces postes de dépenses.

L’uniformisation sert de barème d’analyse pour tous les prêteurs. Ainsi, chaque immeuble à revenus est analysé selon les mêmes critères. Malheureusement, plusieurs intervenants ignorent la normalisation des postes de dépenses lors d’une analyse immobilière. Ça donne des estimations de rendement et de valeur non conformes à la réalité économique bancaire.

Saviez-vous?
Les postes de dépenses normalisés sont: la conciergerie (125 è 300$/an/logement, selon le nombre d’unités), l’entretien (500$/unité), la gestion et l’administration (3 à 5% des revenus bruts).

Croire que si les taux d’intérêt augmentent, les VÉ et la VM baissent

La VM reflète le comportement des acheteurs et vendeurs dans un marché : elle est basée sur des transactions passées. Un changement de taux d’intérêt aujourd’hui n’impacte donc pas les montants des transactions passées. C’est absurde!

Dans le cas de la VÉ bancaire, si les taux d’intérêts augmentent, les VÉ diminueront instantanément puisque votre taux d’actualisation augmente. En l’occurrence, un mouvement dans les VÉ n’aura pas de répercussions immédiates sur le marché immobilier.

Finalement, la VÉ n’est pas la seule variable dont vous devez tenir compte dans la prise de décision en investissement immobilier multilogement. En effet, vous achetez, avant tout, un produit financier qui offre un rendement proportionnel au risque que vous jugez acceptable selon votre profil d’investisseur. Comprenez bien que l’investissement immobilier est un jeu de la dette!

Si vous êtes intéressés à en apprendre plus sur les valeurs économiques, je vous conseille d’examiner notre certificat en ingénierie financière multilogement.