Articles

Augmenter les taux d’intérêt réels sera un travail ardu

7 mai, 2022   |   Par Kadiatou Bah

Au printemps de l’an dernier, le taux directeur de 2,56 %, moins une inflation de 2,2 %, signifiait un taux d’intérêt réel de 0,46 %. Ce printemps, le taux directeur de 3,64 % moins une inflation de 6,7 % donne un taux d’intérêt réel de -3,06 %

Avec au moins six mois de retard, la Banque du Canada a enfin commencé à relever son taux directeur de financement à un jour qui est maintenant de 1,00 %. L’an dernier, à la même époque, il était de 0,25 %. Il a augmenté en mars à 0,5 % et en avril à son taux actuel de 1,00 %. Notons que l’augmenter d’un demi-pourcent par réunion monétaire de la Banque du Canada, cette année, mettrait le taux directeur à un niveau beaucoup plus haut qu’il ne l’a été ces dernières années, bien que personne dans le marché ne le prévoie.

Plus de concret sur la situation des taux d’intérêt

Bien sûr, peu d’entre nous sont de grandes institutions financières qui se prêtent mutuellement au taux du jour le jour, plusieurs millions de dollars. Donc, l’intérêt du taux directeur est de peu d’intérêt dans la pratique. Heureusement, la Banque du Canada suit également le « taux d’intérêt effectif hebdomadaire des ménages », qui est un mélange de divers taux, y compris les taux hypothécaires. Il est actuellement de 3,64 %. Cette semaine, l’an dernier, il était autour de 2,56 %. Il est donc en hausse de 108 points de base ou d’un peu plus d’un point de pourcentage.

Mais il y a aussi une chose qui s’appelle le taux d’inflation. En mars de l’an dernier, il s’établissait à 2,2 %, soit un peu plus que l’objectif de la Banque du Canada. En mars dernier, il était de 6,7 pour cent, soit beaucoup, beaucoup plus au-dessus de la cible.

En résumé, les taux d’intérêt ont un peu augmenté tandis que l’inflation a beaucoup augmenté. Cela signifie que, malgré le resserrement monétaire de la banque, les taux d’intérêt réels ont baissé.

Les « taux d’intérêt réels » semblent profondément philosophiques mais « Qu’est-ce que cela signifie d’être ‘réel’ ? » En fait, les taux d’intérêt réels sont simplement des taux d’intérêt réguliers ajustés en fonction de l’inflation. Bien que l’idée et la formule mathématique soient plus faciles à déterminer en théorie, le calcul réel lui est plus corsé.

Les emprunteurs et les prêteurs conditionnent probablement leur comportement à ce qui se passe pendant la durée du prêt, de sorte que, idéalement, nous ajusterions le taux d’intérêt convenu en fonction de l’inflation à laquelle chaque partie s’attend pendant la durée du prêt, ce qu’ils sont bien sûr peu susceptibles de révéler.

De façon concrète, la méthode rapide et bâclée pour calculer les taux d’intérêt réels consiste à y soustraire le taux d’inflation. Au printemps de l’an dernier, en utilisant les chiffres mentionnés ci-dessus, un taux d’intérêt de 2,56 %, moins une inflation de 2,2 %, signifiait un taux d’intérêt réel de 0,46 %. Ce printemps, un taux d’intérêt de 3,64 % moins une inflation de 6,7 % donne un taux d’intérêt réel de -3,06 %. Malgré le resserrement de la banque, les taux d’intérêt réels sont inférieurs de 352 points de base à ce qu’ils étaient l’an dernier à la même période et ils sont considérablement négatifs.

Notions d’économie

Les non-économistes trouvent souvent paradoxal que l’augmentation d’un prix, soit celui de l’argent emprunté (le taux d’intérêt), lutte contre l’inflation. Le taux d’intérêt élevé lutte contre l’inflation en décourageant les emprunts qui aident à financer la consommation et l’investissement qui alimentent l’inflation. (Ceci est l’un des premiers enseignements reçus de mon professeur de macroéconomie Germain Belzile paix à âme).

Mais vous devez penser que ce qui compte, ce sont les taux d’intérêt réels, pas « nominaux » (l’antonyme de l’économiste pour « réel »). Et lorsque l’inflation a décollé, augmenter les taux réels peut représenter beaucoup de travail.

Les reportages sur la hausse des taux d’intérêt, comme les reportages sur la hausse des prix de l’immobilier, suggèrent qu’ils nuisent à tout le monde. Mais c’est seulement parce que les médias (pour la plupart) parlent aux emprunteurs que d’histoires sur les taux d’intérêt et aux acheteurs potentiels que d’histoires sur les prix des maisons. En fait, les prêteurs sont plus qu’heureux de voir les taux d’intérêt augmenter et les propriétaires sont rarement opposés à une augmentation de la valeur de leur actif principal.

Dans les deux groupes de nos jours, vous trouverez beaucoup de baby-boomers. En fait, un nouvel article de Joseph Kopecky du Trinity College de Dublin et d’Alan M. Taylor de l’Université de Californie (Davis) soutient que les baby-boomers sont en grande partie responsables des taux d’intérêt réels qui ont été si bas ces dernières années.

Kopecky et Taylor soutiennent que les baby-boomers se font du tort à eux-mêmes. Comment ? À mesure que les gens vieillissent, leur goût pour le risque diminue, alors oui, investir sur le marché boursier apporte des rendements moyens plus élevés. Mais le marché est sujet à des hauts et des bas écœurants. Les gens arrivent à un certain âge et ils sont plus heureux avec un rendement inférieur qui ne fluctue pas tellement (profil conservateur). Mais avec tous ces baby-boomers âgés qui investissent tout leur argent sur les marchés pour des actifs à rendement sûr, personne empruntant sur ces marchés n’a à payer beaucoup. Par conséquent, les taux réels restent bas.

La hausse des taux réels est ce qui freinera l’inflation. Mais l’inflation rend plus difficile la hausse de ces taux. Il en sera de même pour la forte préférence des baby-boomers pour les actifs sûrs. Une chose est sûre : 1,00 % pour le taux du financement à un jour ne suffira pas.