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Bois d’œuvre : l’histoire du coût d’un matériau qui a impacté toute une industrie

21 juillet, 2021   |   Par Kadiatou Bah

Nous sommes à plus de la moitié de 2021 et les prix des logements ont continué leur trajectoire à la hausse malgré une décélération des ventes.

En effet, au mois de mai de cette année, les ventes de maisons au Canada ont chuté de 7,4 % et les nouvelles inscriptions ont aussi chuté de 6,4 % par rapport au mois précédent. Pourtant, l’indice des prix des maisons MLS, qui est l’une des mesures les plus précises pour évaluer les niveaux et les tendances des prix des maisons d’un quartier, a augmenté de 1 % sur un mois au cours de la même période. L’augmentation connue est de 24,5 % sur une année. Certains des facteurs affectant les prix sont simples à comprendre cependant.

En voici quelques-uns:

– Il y a moins d’inscriptions sur les marchés à travers le pays, alors que le Canada commence à prendre des mesures provisoires vers un avenir post-pandémique;

– La demande vorace de propriétés que nous avons vue plus tôt dans la pandémie a été satisfaite dans une certaine mesure, car la disponibilité des vaccins et la réouverture progressive des provinces ont tempéré certaines envies de déménager;

– Les prix des maisons étaient déjà élevés au départ et le manque d’options disponibles pour les personnes cherchant à passer à une nouvelle maison a exacerbé ce problème.

Ce ne sont pas les seuls facteurs contributifs, les complications affectant la construction de nouvelles maisons ont également joué leur rôle. La hausse des coûts de construction pour les logements neufs a entraîné une diminution de l’offre de maisons nouvellement construites arrivant sur le marché ainsi qu’une augmentation du prix des maisons achevées.

Comme exemple, en mars, le coût des produits métalliques et des matériaux de construction a augmenté de 9 % sur un an, tandis que le prix du bois d’œuvre a augmenté de 118,9 % au cours de la même période.

Ces augmentations ont entraîné une hausse du prix moyen des maisons de 20 000 à 33 000 $ de plus. C’est un montant considérable avec lequel les acheteurs assiégés doivent composer. Alors que le coût du bois a commencé à baisser, qui peut dire quand, ou même si, il reviendra au niveau d’avant la pandémie ?

Regardons de plus près le rôle spécifique du bois dans l’état actuel des choses.

Encore la loi de l’offre et de la demande

Les prix du bois d’œuvre étaient déjà un peu à la hausse dans les années qui ont précédé la pandémie de COVID-19. La croissance rapide du bâtiment et de la construction alimentée par des marchés immobiliers affamés a poussé les usines à fonctionner à leur capacité maximale juste pour suivre le rythme de la demande.

Ensuite, la pandémie a frappé le Canada au début de 2020 et a tout bouleversé. Les chaînes d’approvisionnement ont été immédiatement perturbées, réduisant la disponibilité de tous les matériaux de construction, y compris le bois d’œuvre. Les goulots d’étranglement des transports ont affecté les moyens de locomotion terrestre, maritime et aérienne, et les prix ont augmenté pour compenser l’offre devenue trop faible.

Cependant, les Canadiens se sont accommodés pour accepter cette « nouvelle normalité ». La demande de bois d’œuvre a fortement augmenté, les particuliers et les entreprises achetaient du bois aussi vite qu’ils le pouvaient, bien que pour des raisons différentes. Les bricoleurs ont utilisé les blocages comme une opportunité de s’engager dans des projets de rénovation ou de création, ajoutant une nouvelle pression sur la demande sachant que l’offre était déjà tendue autour des matériaux de construction. Le bois, en particulier, a gagné en popularité en tant que matériau de choix « durable et économe en énergie » pour les individus soucieux de l’environnement.

Les entreprises, quant à elles, se sont empressées d’adapter leurs espaces pour répondre aux toutes nouvelles réglementations gouvernementales. Les restaurants, par exemple, ont essayé de se conformer à la distanciation sociale et aux limitations de capacité intérieure et extérieure en construisant rapidement des espaces en plein air.

La demande des constructeurs s’est également poursuivie sans relâche, la construction de nouvelles maisons continuant de croître malgré la pandémie.

Pendant ce temps, les scieries ainsi que d’autres sources de provenance des matériaux de construction ont dû réduire leurs opérations en raison de problèmes de santé et de sécurité, ce qui a immédiatement compromis leur capacité à maintenir les niveaux d’approvisionnement.

Avec l’augmentation drastique des prix du bois d’œuvre entre mars 2020 et mars 2021, l’humble morceau de bois deux par quatre ressemblait soudainement moins à un produit de base de la construction et plus à un Bitcoin en faisant  allusion à ses augmentations de prix hyperboliques.

En bref, une offre de bois d’œuvre déjà tendue a été forcée de chuter et les prix ont grimpé en flèche en conséquence.

L’impact à court terme sur les prix de l’immobilier

Revenant à nos jours, les multiples effets de la flambée astronomique des prix du bois d’œuvre se sont répercutés sur l’industrie immobilière. Les usines ont essayé d’augmenter leur capacité pendant que le pays s’adaptait aux fermetures, aux réouvertures, aux fermetures supplémentaires et aux restrictions en constante évolution.

Cependant, ce type d’expansion n’est pas rapide, car l’installation d’équipements et l’élargissement des opérations peuvent prendre des années à prendre forme.

Dans l’intervalle, les constructeurs commerciaux et résidentiels limitent les préventes et construisent moins d’unités à la fois, pour s’assurer d’obtenir les prix nécessaires pour compenser l’augmentation des coûts de construction.

Les défis de la chaîne d’approvisionnement se sont avérés suffisamment perturbateurs pour que les deux types de constructeurs aient opté pour une approche plus prudente. Malgré ces mesures visant à limiter l’offre entrant sur le marché, les prix des logements en général ont continué à augmenter.

Les prix du bois d’œuvre, des matériaux reviendront-ils à la normale ?

L’expression « ce qui monte doit redescendre » ne s’applique pas nécessairement à l’immobilier au Canada. Cependant, nous avons vu des signes encourageants que ce sera éventuellement le cas pour les prix des matériaux de construction, en particulier le bois d’œuvre.

La question n’est pas de savoir si, mais quand ils reviendront à des niveaux normaux, après une année d’inflation extrême.

Les premiers mois de 2021 ont produit de nombreuses estimations prudentes parfois même contradictoires du moment où les prix reviendraient à la normale.

En avril, par exemple, les conseillers économiques forestiers (Forest Economic Advisors FEA) ont prédit que les prix resteraient élevés tout au long de l’été et jusqu’à l’automne, tandis que les Marchés des capitaux de la Banque de Montréal ont suggéré en avril que nous pourrions nous attendre à voir « les prix du bois d’œuvre chuter au cours de la seconde moitié de l’année » avec un flegmatique retour aux niveaux habituels d’ici 2022.

Malgré leurs conclusions variées, la plupart des prédictions convergeaient vers ceci : certains facteurs devraient progresser jusqu’à un point spécifique (soit séparément ou conjointement) pour que les prix du bois d’œuvre descendent de leurs niveaux stratosphériques. 

Voici quelques-uns de ces facteurs contributifs énoncés et leurs points de flexions théoriques :

– Les taux de vaccination augmenteraient à un point tel que les ambitions de bricolage et le désir des gens de vendre leur maison et de déménager se refroidiraient, d’autant plus que les provinces ouvriraient leur économie à nouveau ;

– Les fournisseurs étendraient enfin suffisamment leurs opérations ou ne seraient plus impactés par les restrictions sanitaires, leur permettant d’égaler leurs résultats prépandémiques ;

– Les prix augmenteraient à un point qui les rendrait inabordables pour l’amateur ou le consommateur moyen, diminuant la demande globale de bois d’œuvre.

En fin de compte, ils avaient raison avec ces hypothèses. C’est juste que tout s’est passé un peu plus tôt que prévu dans leur prédiction.

Les prix du bois d’œuvre ont atteint un niveau record en mai 2021, atteignant un peu moins de 1700 USD par 1 000 pieds-planche. Cependant, depuis le début du mois de juin, les prix ont chuté, régulièrement, et cela à chaque semaine. Voici un aperçu approximatif des dernières semaines :

– Le 7 juin : les prix du bois d’œuvre ont clôturé à 30 % en dessous du sommet historique atteint en mai 2021 ;

– Le 14 juin : les prix du bois d’œuvre étaient en baisse de 40 % par rapport au pic de mai 2021 ;

– Le 21 juin : les prix du bois d’œuvre chutent encore de 7 % ;

Au moment d’écrire ces lignes, les prix oscillent autour de 890 USD par 1 000 pieds-planche, soit un peu plus de la moitié de ce qu’ils étaient il y a seulement un mois. Les prix ne baissent pas, ils s’effondrent.

Si les choses continuent sur cette trajectoire, les prix du bois d’œuvre pourraient baisser près des niveaux d’avant la pandémie au cours des deux prochains mois. Cependant, le scénario le plus probable est que les prix ralentissent leur descente alors que la demande et l’offre se stabilisent à la lumière de ce krach, atténuant la forte baisse.

La valeur du bois d’œuvre devrait toujours rester au-dessus des niveaux d’avant la pandémie pour le reste de cette année, bien que la marge projetée pourrait finir par être beaucoup plus mince qu’estimée.

En fin de compte, la situation est encore suffisamment volatile pour que toute conclusion ou prédiction doive être prise avec des pincettes. Après tout, nous sommes confrontés à une inflation des prix sans précédent pendant une pandémie mondiale. C’est assez inusité comme situation.

Où cela envoie les prix des logements?

Sur la base de la récente baisse des prix du bois d’œuvre, il va de soi que les coûts de tous les matériaux de construction pourraient être en voie de baisser et se stabiliser.

Maintenant que le Canada est sur la bonne voie pour avoir une population complètement vaccinée, il est également probable que d’autres facteurs contributifs tels que les listes de propriétés limitées se corrigeront d’eux-mêmes. En supposant qu’il n’y ait pas de revers significatifs dans un proche avenir, cela permettrait hypothétiquement aux prix des logements de perdre les 20 000 à 30 000 $ supplémentaires liés aux effets de la pandémie.

Cependant, l’interaction des facteurs sous-jacents est décidément complexe. La fin de la pandémie et les prix des logements ont au moins cela en commun.