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Le BSIF a modifié les règles sur les prêts immobiliers en juin

3 août, 2022   |   Par Kadiatou Bah

Le bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) a annoncé le 28 juin dernier un resserrement des exigences pour certains types de prêts immobiliers dans le but de protéger le système financier des emprunteurs vulnérables aux hausses des taux d’intérêt  

Le BSIF affirme que les changements annoncés dans sa Clarification du régime s’appliquant aux produits de prêts garantis par un bien immobilier innovants en vertu de la ligne directrice B-20 affecteront les plans des prêts combinés, des prêts hypothécaires inversés ou les prêts avec participation au capital. Ces types de prêts ont beaucoup gagné en popularité ces dernières années mais ceux-ci peuvent s’avérer plus risqués pour le système financier.

Voyons plus en détail comment ce plan se déploiera selon le Gouvernement du Canada.

Programmes de prêts combinés

Ici, il s’agit de mettre en lumière l’une des formes les plus courantes et répandues des programmes de prêt combiné (PPC) à savoir le prêt hypothécaire amortissable traditionnel assorti d’une facilité de crédit renouvelable. Plus précisément, un PPC est un prêt qui réunit les deux conditions suivantes :

1.     Un montant unique de sûreté sur la propriété visée sous-tend différents segments ou composantes.

2.     Les limites d’emprunt autorisées dépendent des soldes des autres prêts et sont souscrites sur une base combinée comme un seul crédit visé par une seule limite globale.

À l’instar d’une marge de crédit indépendante adossée à un bien immobilier (MCBI), un PPC présente des risques accrus pour le prêteur. Il amplifie tout particulièrement le risque lié à un endettement persistant de l’emprunteur.

L’attente de la ligne directrice B-20 selon laquelle toute portion d’un prêt supérieure au (Ratio Prêt-Valeur) RPV de 65 % doit être amortie. Cette initiative vise à limiter l’ampleur et la durée de l’endettement de l’emprunteur, réduisant ainsi le risque de défaut.

À noter qu’un nouvel octroi de crédit au-delà de cette limite serait contraire aux attentes du BSIF. Par conséquent, toute portion d’un prêt supérieure au RPV de 65 % doit être amortissable et non octroyable de nouveau.

En outre, les remboursements du principal afférents à cette portion doivent entraîner une réduction de la limite globale autorisée, jusqu’à ce que cette limite, pour le PPC, tombe à un RPV de 65 % pour tous les segments, sur une base combinée.

Le BSIF attend des institutions financières qu’elles veillent constamment à ce que les pratiques de souscription et la gestion du risque liées aux PPC soient prudentes, et adaptées au contexte de risque en évolution.

Comme il est mentionné dans la ligne directrice B-20, les limites maximales du RPV peuvent être prescrites par la loi. À l’heure actuelle, la limite maximale légale du RPV pour les prêts hypothécaires non assurés est de 80 %. Par conséquent, la limite globale d’un PPC, quel qu’il soit, ne peut dépasser un RPV de 80 %.

Prêts hypothécaires avec participation à la mise de fonds

Les prêts hypothécaires avec participation à la mise de fonds constituent une nouveauté dans le plan de financement hypothécaire. Le principe est relativement simple à comprendre, l’emprunteur et un investisseur participent de concert à la mise de fonds pour l’acquisition d’un bien immobilier résidentiel.

Ces types de montage sont généralement rendus possibles par des programmes publics ou des programmes d’organismes à but non lucratif dont l’objectif est d’atteindre des objectifs précis en matière de politique publique.

Certains investisseurs privés offrent également ces types de montage selon des conditions commerciales. La participation d’un investisseur à la mise de fonds rend l’opération plus complexe et accentue les risques opérationnels, notamment le risque juridique, par rapport à un prêt hypothécaire traditionnel.

Une institution financière fédérale (IFF) peut apporter un financement dans le cadre d’un prêt hypothécaire non assuré avec participation à la mise de fonds, à condition que le prêt offert par l’IFF soit assorti d’un privilège de premier rang et que l’apport de l’investisseur soit un placement en capitaux propres effectué selon les conditions pari passu avec la participation de l’emprunteur.

La ligne directrice B-20 prévoit qu’une IFF ne doit ni constituer avec un autre prêteur un prêt hypothécaire, ni apparier un prêt hypothécaire et d’autres produits de crédit (garantis par le même bien) de façon à contourner les limites prévues dans sa politique de souscription de prêts hypothécaires résidentiels (PSPHR), au nombre

desquelles figure son RPV maximal, ou à enfreindre les exigences législatives en vigueur.

Comme l’indique la note 12 en bas de page de la ligne directrice B-20, cette restriction ne vise pas les prêts pour lesquels les fonds supplémentaires garantis sont fournis par une administration municipale, territoriale ou provinciale, ou par le gouvernement fédéral.

Le BSIF s’attend à ce que les prêts hypothécaires avec participation à la mise de fonds respectent tous les critères de la PSPHR de l’IFF, conformément à la ligne directrice B-20. Il recommande par ailleurs aux IFF de définir explicitement les programmes de prêts hypothécaires avec participation à la mise de fonds dans leur PSPHR, compte tenu des risques particuliers que pose ce type de prêt.

Prêts hypothécaires inversés

En dernier, le prêt hypothécaire inversé est un prêt garanti par un bien immobilier résidentiel qui permet à l’emprunteur d’accéder à une somme d’argent en fonction de la valeur de sa propriété. Ces prêts n’exigent habituellement pas le remboursement du principal et des intérêts tant que le bien n’est pas vendu.

Les intérêts courus s’ajoutent au solde du prêt, mais l’emprunteur doit néanmoins s’acquitter des coûts d’entretien habituels du bien immobilier et des impôts fonciers. L’âge de l’emprunteur est également un élément important à prendre en considération au moment de la souscription, car il s’accompagne d’un risque de longévité. Compte tenu de ces caractéristiques, il est essentiel de bien gérer et de bien évaluer les sûretés au cours du processus de souscription. Le ratio d’endettement, quant à lui, ne constitue pas un facteur de poids pour ces prêts.

Le BSIF attend des IFF qu’elles exercent une diligence raisonnable plus rigoureuse et une gestion du risque continue à l’égard des biens immobiliers qui servent de garantie, et qu’elles établissent des limites de RPV prudentes dans leur PSPHR (soit un maximum de 65 % au moment du montage). 

En conclusion, rappelons que le BSIF affirme que les changements entreront généralement en vigueur la prochaine fois que les emprunteurs renouvelleront leurs plans, soit à la fin de l’automne 2023 ou plus tard cette année-là, selon l’exercice financier du prêteur. Le régulateur précise toutefois que les consommateurs ne verront pas d’augmentation de leurs exigences de paiement mensuel à la suite de ce changement et cette décision n’aura pas d’impact sur les nouveaux acheteurs de maison. Mentionnons que les données de la Banque du Canada montrent que les programmes de prêts combinés dont le ratio prêt-valeur est supérieur à 65 % représentent 204 milliards $ sur les 1800 milliards $ de prêts hypothécaires résidentiels en cours au pays.