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Crise du logement : le Canada a du mal à loger les gens depuis des décennies

14 octobre, 2021   |   Par Kadiatou Bah

Le récit général sur le logement au Canada indique une détérioration de l’abordabilité du logement de ces derniers temps. L’hypothèse implicite dans l’argument laisse sous-entendre que posséder ou louer une maison était peut-être abordable dans le passé.

Beaucoup craignent que la hausse des prix des logements ait poussé le rêve de l’accession à la propriété hors de portée de nombreux jeunes Canadiens, mais ce n’est peut-être pas vraiment nouveau.

« Si vous ne possédez pas de maison maintenant, il y a de fortes chances que vous ne le ferez jamais. C’est le fait central et troublant de la révolution sociale la plus répandue et la moins comprise de notre époque. » Ces mots souvent retransmis dans les médias résonnent aujourd’hui chez la plupart des Canadiens qui sont consternés par l’escalade rapide des prix et des loyers des logements. Mais voici le hic: ces mots ont été écrits pour la première fois, il y a 55 ans dans le magazine Maclean’s.

Le numéro de mai 1967 du magazine présentait un exposé détaillé de la détérioration de l’abordabilité du logement dans ce pays. « L’idée d’une maison séparée pour chaque famille canadienne de la classe moyenne est presque éteinte », poursuivait la narrative. « Soudain, plus personne ne peut se le permettre. »

Les prix des logements à la fin des années soixante, bien sûr, n’étaient qu’une fraction de ce qu’ils sont aujourd’hui. Par exemple, le prix moyen d’une maison à Vancouver en 1966 était de 15 200 $. Dans certains quartiers de la ville comme West Point Grey, le prix moyen était de 42 000 $.

Les loyers ont également été jugés inabordables dans le temps. Des unités de deux chambres dans les quartiers branchés de Vancouver étaient louées pour 250 $ ou plus. À l’époque, les annonces de location apparaissaient principalement dans les journaux. Les locataires potentiels faisaient la queue devant le bureau du « Vancouver Sun » pour prendre la première édition du journal afin de prendre une longueur d’avance sur la recherche d’appartements.

Le logement était encore plus cher à l’Est. Le prix moyen à Toronto devrait être de plus de 30 000 $ en 1967, un bond par rapport à 20 000 $ en seulement deux ans, a rapporté Maclean’s. Grâce à la prochaine Expo 67, qui a mis Montréal et le Canada sur la scène mondiale, les prix des logements et les loyers augmentaient rapidement dans cette ville aussi. Dans les Maritimes, les défis en matière de logement étaient encore plus aigus. Le prix moyen d’une maison neuve à Halifax a atteint 30 000 $ à la fin des années soixante.

Ces prix semblent raisonnables aujourd’hui, mais ils n’étaient pas considérés comme tels à l’époque à cause notamment de l’inflation qui finit par affecter la valeur de l’argent dans le temps.

La crise du logement au Canada remonte encore plus loin. « La vérité, c’est que tout au long du 20e siècle, le Canada a connu une crise continue du logement », a écrit Albert Rose, Professeur à l’Université de Toronto, dans Canadian Housing Policies, son livre de 1980 relatant l’état du logement des années 1930 aux années 1970.

Il a observé que même de 1920 à 1945, le Canada n’en avait pas fait assez pour répondre aux « critères humains et statistiques d’un logement décent et adéquat » selon lui.

Le logement, en général, a connu une crise persistante, mais l’abordabilité du logement a connu divers hauts et bas, du moins depuis les années 1990.

Ce qui différencie les marchés du logement depuis les années 1990, c’est la baisse graduelle et soutenue des taux d’intérêt qui ont maintenu les paiements hypothécaires moyens à moins de 40 % du revenu moyen. Ainsi, même lorsque les prix des logements ont grimpé à un rythme sans précédent, la baisse des taux d’intérêt qui l’a accompagnée a permis de contrôler les paiements hypothécaires par rapport au revenu.

Les raisons des problèmes de logement du pays sont également restées similaires pendant plus d’un demi-siècle. L’offre de logements et la rareté des terrains aménageables sont un défi aujourd’hui, mais c’était aussi un défi dans les années cinquante, lorsque la plupart des villes canadiennes avaient consommé les terres desservies disponibles pour le développement.