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Démystifier les différentes valeurs en investissement immobilier multilogement

15 février, 2022   |   Par Félix Blanc

Le concept de valeur est un concept proprement relatif. La première question à se poser lorsqu’on entend parler de valeur, c’est « valeur pour qui » ? Et le fait de poser cette question, dans le cadre du domaine de l’investissement immobilier multilogement, nous amène à réaliser qu’il existe en fait, pour un même immeuble, plusieurs valeurs. Nous verrons que ce qui façonne ces valeurs dépend beaucoup du regard qu’on porte sur les immeubles. Sans entrer dans une réflexion trop philosophique, il est important de réaliser que le marché, les banques, et les investisseurs aguerris peuvent très bien voir trois valeurs différentes pour un même immeuble. 

La juste valeur marchande

La juste valeur marchande, aussi appelée JVM, est une valeur qui correspond au prix que le marché est prêt à payer pour un immeuble. Ce qui est intéressant du secteur multirésidentiel (5 logements et +), c’est que les immeubles se transigent sur des bases financières. Les acheteurs d’immeubles multilogement cherchent à investir et non pas à habiter, ce qui est une distinction fondamentale. C’est une nuance fondamentale parce que les immeubles seront transigés sur la base de leur performance financière, et donc de leurs chiffres. Ce faisant, l’appétit du marché pour un immeuble sera directement corrélé à ses revenus. Cette caractéristique, propre au marché du multilogement, contrairement aux petits plex, aux maisons et aux condos, permet d’étudier avec précision le lien, dans un secteur donné, entre les revenus d’un immeuble, et l’appétit qu’aura le marché pour cet immeuble. 

Ce lien est en fait une proportion qu’on appellera aussi le TGA paritaire (voir l’article « démystifier le TGA »). En étudiant, à travers les comparables vendus, les proportions moyennes entre revenus et prix de vente (RNN/JVM), on arrive à anticiper, pour un immeuble à vendre, quel devrait être son prix, en fonction de ses revenus, pour qu’il se vende conformément à l’appétit habituel du marché. Si par exemple, on remarque que dans un secteur donné, pour un type d’immeuble donné, les immeubles se vendent généralement à un prix 20 fois plus élevés que leurs revenus nets normalisés (voir l’article « démystifier les RNN), alors on sait que si on souhaite vendre un immeuble, il est possible que le marché soit prêt à payer 20 fois ses revenus nets normalisés. Autrement dit, les revenus (RNN) de votre immeuble devraient représenter 5% de la valeur que vous irez chercher à la vente : vous êtes dans un contexte de TGA paritaire à 5%.

Ceci dit, il faut mettre quelques bémols à ce qui vient d’être dit. Plusieurs autres aspects peuvent venir altérer sa valeur : des coûts en réparation à prévoir, une structure financière permettant plus ou moins de levier (lire l’article « démystifier l’effet de levier »), un potentiel d’augmentation des RNN, un risque plus ou moins grand, etc. Autrement dit, la JVM est souvent utilisée comme point de départ dans une transaction, mais sera altérée par plusieurs autres aspects.

La valeur économique

La valeur économique, quant à elle, correspond à une valeur jugée sécuritaire par une institution bancaire en fonction de ses RNN. Pour les banques, l’important est que vous soyez capable de rembourser votre hypothèque, à partir des revenus actuels de votre immeuble. La valeur économique fait donc totalement abstraction de l’appétit du marché pour un certain type d’immeuble. Deux immeubles générant respectivement 100K$ de RNN à Chibougamau puis à Montréal auront la même valeur économique.

La valeur économique existe au département commercial, mais on peut noter que c’est différent au département personnel. Il est effectivement possible d’acheter de petits immeubles multilogement au personnel. Alors la valeur économique ne sera pas le point d’ancrage du financement octroyé, vous serez financé sur le plus bas entre la JVM et le prix payé d’un immeuble, tant et que vous respectez les ratios visés pour votre endettement personnel. Mais ça, ce sera pour un autre article !

Pour compliquer encore les choses, sachez qu’il n’existe pas qu’une valeur économique, mais que chaque banque a sa propre manière de gérer son risque, et qu’il existe donc autant de valeurs économiques qu’il existe d’institutions financières. Et comme les banques moulent la valeur économique sur votre capacité à rembourser votre hypothèque, et que les paiements hypothécaires, eux, dépendent des taux d’intérêts, vos valeurs économiques fluctuent fréquemment. Il est donc essentiel de se tenir à jour autant que possible des différents mouvements économiques, puisque l’effet sur la valeur de vos immeubles est direct. Par contre, force est de constater que plusieurs institutions financières utilisent le calcul de la valeur économique de la SCHL et qu’au final la plus grande différence entre les valeurs économiques se trouve lorsqu’on compare un financement assuré par la SCHL versus un financement dit conventionnel. 

La valeur intrinsèque

Ce qui est le plus intéressant en immobilier, c’est la valeur intrinsèque d’un immeuble. Parce que dans les faits, à un certain stade de sa sophistication en immobilier, on ne découvre pas la valeur d’un immeuble, on la crée. Que ce soit en développant des aptitudes en optimisation, en montages financiers, en mitigation de risque, en levée de capitaux, on fait passer un immeuble ordinaire à un projet assez peu commun. 

La valeur intrinsèque d’un immeuble, c’est le potentiel qui dort secrètement dans un immeuble. Elle est accessible à un nombre assez restreint d’investisseurs aguerris, et c’est l’éducation, le réseau et l’expérience qui y donne accès.