Des droits pour chacune des parties
Tout d’abord, un locataire a, certes, des obligations envers un locateur, mais il a aussi des droits. Comme stipulé au Code civil du Québec à l’article 1936: « tout locataire a un droit personnel au maintien des lieux ; il ne peut être évincé du logement loué que dans les cas prévus par la loi. »
Cet article de loi signifie, grosso modo, qu’un locataire ne peut pas être évincé de son logement sauf dans certains cas prévus par la loi. Par exemple, un locataire n’est pas obligé de quitter son logement sauf s’il y a une cause en résiliation ou éviction contre lui devant la Régie et qu’un juge a tranché en faveur du locateur. Un locataire a donc droit de refuser certaines demandes de son locateur, par exemple : une augmentation de loyer ou comme dans ce cas-ci une modification au bail pour interdire de fumer du cannabis. Si les parties ne s’entendent pas, c’est le tribunal de la Régie qui décidera si une modification au bail devrait être acceptée ou refusée.
Dans le cas présent, un locataire peut réagir de différentes façons à l’avis de modification au bail :
- il refuse la modification et décide de rester dans son logement. Alors le locateur a un mois pour déposer une demande de fixation auprès de la Régie du logement. S’il ne demande pas à la Régie de se prononcer (ou si le locateur dépasse les délais), le bail sera reconduit aux mêmes conditions ;
- il accepte les modifications et le bail est reconduit selon les nouvelles conditions;
- il refuse les modifications et préfère quitter son logement. Un nouveau bail pourrait donc être signé selon les nouvelles conditions à un nouveau locataire.
Des craintes pour les locateurs
Quant aux locateurs, pourquoi voudraient-ils interdire le cannabis dans leurs logements? Avec la prochaine légalisation du cannabis, certains locateurs craignent la hausse du nombre de plaintes. Par exemple, ils croient que les plaintes concernant les odeurs pourraient être à la hausse, car l’odeur du cannabis est plus forte que celle du tabac et pourrait donc incommoder davantage les autres locataires.
Deux façons d’interdire le cannabis dans les logements
Pour les locateurs, deux options s’offrent à eux. Tout dépend s’il est question d’un nouveau bail ou bien s’il s’agit d’un bail en cours qui arrive à échéance et qui doit être renouvelé :
Les nouveaux baux
Tout comme pour l’usage du tabac, un locateur peut interdire le cannabis dans son logement s’il le désire. Auparavant, les locateurs n’avaient pas à penser inclure une telle interdiction dans leurs baux ou règlements, car la consommation ou la culture du cannabis étaient illégales. Aujourd’hui avec le projet de légalisation, les locateurs envisagent de prendre des mesures pour l’interdire en l’ajoutant dans leurs règlements d’immeubles et leurs nouveaux baux. Dans ce cas-ci, un nouveau locataire devrait se conformer au règlement de l’immeuble.
Les baux en cours
L’interdiction de consommer et/ou de cultiver du cannabis devient plus délicate lorsqu’il est question des baux en cours. Évidemment, les locateurs auront le droit de demander une modification du bail visant à interdire le cannabis, mais devront se conformer aux délais prescrits par la loi. Un locateur devra faire parvenir un avis de modification du bail par écrit au locataire. À la suite de la réception de cet avis, un locataire à un mois pour accepter ou refuser et rester ou refuser et quitter. Le locataire qui ne donne pas de réponse à l’intérieur du délai d’un (1) mois est réputé avoir accepté la modification du bail.
Saviez-vous?
Bail de 12 mois, bail du 1er juillet au 30 juin: Un propriétaire doit envoyer son avis entre le 1er janvier et le 31 mars. Soit entre 6 et 3 mois avant la fin du bail.
Pour connaître les autres délais, consulter le site Web de la Régie du Logement: https://www.rdl.gouv.qc.ca.
Saviez-vous?
Le projet de loi 157 adopté en juin 2018 permettra, dans un délais de 90 jours l’entrée en vigueur de l’article 1 de la loi encadrant le cannabis, de modifier le bail même si ce n’est pas dans le délais de reconduction du bail.
Enfin, vous comprendrez qu’autant les locateurs que les locataires ont des droits. De plus, comme il n’y a pas encore de jurisprudence en matière d’interdiction de cannabis dans les logements, chaque cas sera traité individuellement. En effet, l’ajout ou la modification pourrait être facilement accepté par certains et dans d’autres cas, le recours à la Régie du logement s’avérera nécessaire. Dans le cas d’un litige, ce sont les deux parties qui devront faire valoir leurs points.
Me Mélanie Chaperon est enseignante au collège de la MREX, pour en savoir plus sur ce qu’elle enseigne dans le cours «AM-1001 : Administration et gestion» rendez-vous sur la page du programme Certificat en entrepreneuriat immobilier multilogements.