Articles

La Banque du Canada prête à laisser l’inflation s’accélérer au rythme de la reprise

19 juillet, 2021   |   Par Kadiatou Bah

La Banque du Canada prévoit de laisser l’inflation dépasser son objectif de 2 % jusqu’en 2023, renforçant ainsi l’engagement du gouverneur Tiff Macklem d’orchestrer une reprise « complète » après la récession du COVID-19.

En effet, la centrale du Canada a publié le 14 juillet dernier, de nouvelles prévisions affirmant que le pays est au bord d’une impressionnante poussée de croissance économique qui devrait compenser le début d’année décevant qui a été observé.

Les projections établies n’étaient pas assez solides pour modifier le plan du gouverneur Macklem visant à maintenir le taux d’intérêt de référence à un niveau proche de zéro jusqu’à au moins la seconde moitié de l’année à venir. Les preuves d’une accélération de la dynamique ont incité les décideurs à réduire leurs achats hebdomadaires d’obligations à 2 milliards de dollars, contre 3 milliards auparavant.

«  Cet ajustement reflète les progrès continus vers la reprise et la confiance accrue de la banque dans la solidité des perspectives économiques canadiennes », ont déclaré Macklem et ses adjoints au Conseil des gouverneurs dans un communiqué à la fin de leur dernière série de délibérations sur les taux d’intérêt.

La décision de réduire le programme d’achat d’obligations était largement attendue par les observateurs de la banque centrale, tout comme une révision à la hausse des projections de croissance pour le second semestre de l’année en cours et pour 2022.

La trajectoire à court terme de l’économie est corrélée aux taux de vaccination et aux infections. Ces premiers pour ce qui est du Canada sont désormais parmi les plus élevés au monde. De plus les provinces ont pour la plupart assoupli les mesures de distanciation sociale qu’elles avaient mises en œuvre pour lutter contre la troisième vague de COVID-19 ce printemps.

L’équipe de prévision de Macklem voit la croissance atteindre un taux annuel de 7,3% au troisième trimestre, contre 2% entre avril et juin, alors que les consommateurs commencent à dépenser une partie des économies accumulées pendant les blocages de COVID-19.

La nouvelle prédiction représente un changement dans la réflexion de la banque centrale sur la reprise. Auparavant, les responsables supposaient que les Canadiens conserveraient à la banque tout l’argent qu’ils avaient accumulé pendant la pandémie. Maintenant, ils supposent qu’environ 20% de ce trésor sera dépensé, citant des données d’enquête qui montrent que les ménages sont désireux de célébrer la fin de la pandémie.

« La consommation devrait continuer à être le moteur de la reprise », a déclaré Macklem dans un communiqué au sujet de la réunion de politique générale de la Banque du Canada et de ses nouvelles perspectives.

La troisième vague d’infections a eu un impact plus lourd sur l’économie que les décideurs avaient présagée au moment de leurs dernières prévisions en avril , forçant une révision à la baisse les perspectives de croissance économique cette année à 6%, contre 6,5%. Mais les suppositions restent que l’économie se rattrapera l’année prochaine, car la banque centrale prévoit que le produit intérieur brut augmentera à 4,6%, contre une estimation précédente de 3,7%.

Néanmoins, les bonnes nouvelles liées à l’accélération de la reprise pourraient être partiellement compensées par la consternation face aux prévisions d’inflation, puisqu’elles montrent que la banque centrale a choisi de faire passer l’emploi avant sa cible de hausse annuelle de l’indice des prix à la consommation.

Les prévisions sur deux ans de la Banque du Canada montrent presque toujours l’IPC à 2 % à la fin de la période de projection, parce que, généralement, les taux d’intérêt seraient ajustés pour obtenir ce résultat. Pour l’instant, la banque centrale prévoit une inflation de l’IPC de 3% cette année, 2,4% en 2022 et 2,2% en 2023.La stratégie est risquée, car les ménages, les dirigeants et les investisseurs pourraient commencer à supposer que la banque centrale a cédé à l’inflation et ainsi ajuster leurs propres attentes en conséquence. Si cela se produisait à grande échelle, la pression à la hausse sur les prix augmenterait, poussant l’IPC encore plus haut. La banque centrale pourrait devoir augmenter les taux d’intérêt plus rapidement qu’elle ne le souhaiterait, menaçant une récession.

Les décideurs politiques ont fait valoir qu’ils prenaient un risque calculé et que ceux-ci en valaient la peine. Les investisseurs et les analystes ont tendance à mettre l’accent sur la cible d’inflation, mais la Banque du Canada se donne en réalité plus de latitude que plusieurs ne le croient. Elle vise 2%, mais est à l’aise avec des ratés aussi élevés que 3% et aussi bas que 1%. La banque voit toujours l’inflation rester dans cette zone de confort.

« Je ne sais pas si elle baissera l’inflation », a déclaré Tom O’Gorman, Directeur des titres à revenu fixe chez Franklin Templeton Canada, ajoutant que l’inflation dépassait rarement les 2% avant la pandémie, ce que certains critiques ont utilisé comme preuve que la Banque du Canada était trop conservatrice. « Pour que l’inflation soit un peu chaude avec la pandémie et les problèmes de chaîne d’approvisionnement, c’est probablement approprié. »

Macklem a soutenu que les forces qui affectent plus fortement les prix passeront. Actuellement, le coût de l’essence est le plus important, car la production n’a pas encore rattrapé la demande liée à la reprise économique mondiale. Les contraintes d’approvisionnement liées à la crise affectent également l’inflation et les prix qui ont chuté pendant la récession reviennent à mesure que les choses tendent à la normale.

Les décideurs politiques ont souligné que la reprise ne devrait pas être considérée comme acquise. Ils ont qualifié l’incertitude sur leurs perspectives d’ « anormalement élevée », signalant quatre risques à la fin de leur rapport économique trimestriel qui pourraient finir par exercer une pression à la baisse sur l’inflation, contre deux surprises potentielles qui pourraient conduire à une augmentation des prix plus rapide.

En fin de compte, Macklem a choisi de se pencher sur la croissance plutôt que de s’efforcer d’atteindre son objectif d’inflation. La banque centrale a noté que l’économie générait beaucoup moins de production qu’elle ne le pourrait dans des circonstances normales. De plus, si l’on considère la croissance démographique réalisée, l’emploi se situe toujours à 550 000 postes en dessous de sa trajectoire d’avant la pandémie.

« Nous avons un objectif, et c’est l’inflation », a-t-il déclaré aux journalistes . « Si nous avons un excès de remous dans l’économie, cela signifie que nous manquons d’emplois, nous manquons de revenus, nous manquons de dépenses. Cela exercera une pression à la baisse sur l’inflation et nous n’atteindrons pas durablement notre objectif d’inflation.