Articles

La bonne façon de reconstruire les villes pour l’adapter au travail après la pandémique

11 mai, 2021   |   Par Kadiatou Bah

Depuis que la pandémie de Covid-19 a forcé des millions de travailleurs à quitter leurs bureaux, des questions se sont posées sur la montée du travail à distance et sur ce que cela signifie pour les villes, les petites comme les grandes. Certaines villes ont concentré leurs efforts de développement économique sur la tentative d’attirer des travailleurs potentiels pour qu’ils s’installent dans leur région.

La nature du travail est en effet profondément en train de changer, et certains travailleurs vont effectivement déménager vers de nouveaux endroits. Mais avec peu de preuves que les travailleurs vont déménager en masse, la migration ne devrait pas être au centre des efforts des villes. Au lieu d’attirer des travailleurs venant d’autres contrées, à des temps où l’immigration est au ralenti, les dirigeants des villes devraient s’efforcer de faire en sorte que leur économie régionale et leur relance fonctionnent pour les personnes et les entreprises déjà présentes, notamment en démantelant les pratiques et normes locales qui ont étouffé l’économie.

Vous trouverez ci-dessous trois considérations structurelles que les dirigeants des secteurs public et privé devraient garder à l’esprit lorsqu’ils reconstruiront leur ville.

L’économie du savoir exige de la densité, alors tenez-en compte

Au cours des dix dernières années, la grande majorité de la croissance de l’emploi dans les domaines de l’innovation comme les services de recherches et développement ainsi que la fabrication de haute technologie s’est produite dans seulement cinq régions métropolitaines côtières pour ce qui est des États-Unis,  selon une analyse. Ces lieux ont quelques points communs qui les rendent particulièrement accueillants pour l’économie numérique: des concentrations denses de talents, la recherche universitaire, la capacité de transformer des idées en start-up et des lieux dynamiques dans lesquels les gens peuvent interagir.

Mais la concentration des emplois se joue également dans les zones métropolitaines. Une analyse en 2019 a  révélé que les emplois fondés sur le savoir étaient les plus concentrés dans les comtés urbains du centre et dans les banlieues environnantes plus denses. Cela profite le plus aux comtés du noyau urbain, puis aux banlieues bien développées.

Une autre analyse, subséquente a révélé que la concentration d’emplois dans quelques régions métropolitaines s’est intensifiée jusqu’à ce qu’intervienne la pandémie. Cette tendance s’explique par la croissance rapide des secteurs de l’information, des services professionnels et de gestion, qui n’ont fait qu’augmenter pendant la crise. La croissance dans ces secteurs attire également de nouveaux emplois dans le commerce de détail et d’autres professions locales.

En d’autres termes, il existe une demande du marché pour les quartiers innovants, les quartiers commerciaux et les quartiers qui combinent à la fois les emplois dans l’enseignement avec des résidences, la nourriture et les arts dans des lieux dynamiques et accessibles à pied. L’augmentation de la densité d’emplois s’est également produite à un moment où le télétravail était en hausse , ce qui indique que ces deux tendances peuvent aller de concert. Même les zones rurales bénéficient de la densité, et elle est également bonne pour l’environnement, créant plus d’efficacité dans l’utilisation des terres et de l’énergie. 

Les dirigeants locaux et régionaux peuvent donc tirer profit de la demande du marché en matière de proximité et d’interaction à échelle humaine pour stimuler une croissance économique inclusive.

La proximité pourrait réinventer le marché des bureaux

Avec le télétravail, des parties du marché des bureaux étaient vides en raison de leurs emplacements dans des banlieues isolées ou à cause de leurs plans désuets. Cette tendance c’est maintenu, voire aggravé pendant la crise. Les centres-villes ne sont donc pas à l’abri de l’inadéquation du marché. Des recherches ont révélé que des centres-villes en Amérique du Nord connaissaient des taux de vacance de bureaux à deux chiffres à la fin de 2019.

L’économie pandémique a accéléré la réinvention indispensable du marché des bureaux. Certaines entreprises se débarrassent de l’espace de bureau excédentaire, cependant, des entreprises de haute technologie telles  qu’Amazon  et  Google  développent les leurs, souvent dans des endroits de haute qualité, denses et accessibles à pied comme Google à Montréal. Les centres-villes dont beaucoup ajoutaient  déjà des  unités résidentielles peuvent désormais mélanger davantage les espaces de vie, de travail et de réunion dans les mêmes bâtiments.

Étant donné que de plus en plus d’employeurs  offrent des options de travail  à domicile aux employés, les dirigeants locaux devraient se préparer à offrir aux travailleurs des options en dehors de chez eux pour faire leur travail. À mesure que la vaccination avance et que les risques pour la santé publique deviennent plus gérables, les travailleurs devraient pouvoir profiter de la flexibilité pour travailler dans des cafés, des bibliothèques, des parcs publics ou dans des espaces flexibles loués. Plus importants encore, les dirigeants devraient créer des centres-villes et des corridors à usage mixte qui offrent aux travailleurs des lieux de rassemblement publics et privés attrayants sans parler des transports en commun et des résidences accessibles qui définissent les nouveaux pôles de l’économie du savoir.

La nouvelle ville doit travailler pour tous les travailleurs pas seulement pour ceux qui travaillent à domicile

L’effet potentiel du travail à distance sur les villes ne doit pas éclipser le mandat de faire en sorte que la ville post-pandémique fonctionne pour tous les travailleurs. La plupart des travailleurs ayant des revenus les plus élevés du pays peuvent travailler à domicile. Cela représente donc une minorité. Beaucoup de travailleurs essentiels employés dans le commerce de détail, la logistique et l’industrie des soins ne peuvent pas se permettre de travailler à distance. 

En Amérique du Nord, ces travailleurs de première ligne sont confrontés à des défis particulièrement aigus en matière de logement et de transport sur lesquels tout plan de relance destiné à la main-d’œuvre doit se concentrer. Ils rentrent souvent chez eux dans  des conditions dangereuses  surtout aux États-Unis. Dans ce pays, les personnes de couleur sont également deux fois plus susceptibles que les autres ménages de  ne pas posséder de voiture et dépendent donc davantage des systèmes de transport en commun dévastés par Covid-19. Le programme de  secours de l’American Rescue Plan  aidera les agences de transport à rester solvables à court terme. Mais à long terme, des mesures plus vastes seront nécessaires, y compris  plus de construction de logements dans les quartiers existants et en particulier à proximité des arrêts de transport en commun. De meilleurs itinéraires pour les autobus, les trains et trains de banlieue entre les centres résidentiels et économiques apporteront aussi leur part.

La ville du futur est un choix à faire

La ville d’après la pandémie doit faire face à ces tendances structurelles pour devenir plus prospère et plus inclusive.  Il existe une demande du marché pour mieux reconstruire et promouvoir la densité, la marche, des quartiers de bureaux repensés, des trajets plus faciles et de nouveaux couloirs de vente au détail et commerciaux dans tous les quartiers. Les villes devraient structurer leurs économies pour les travailleurs qu’elles ont déjà. Pour répondre à cette demande, il faut des véhicules de financement créatifs, de nouveaux produits immobiliers, des réformes de l’utilisation des terres et des partenariats multisectoriels.

La future ville n’est pas une compétition entre les centres-villes et les banlieues. Les dirigeants devraient s’efforcer à reconstruire les régions comme des réseaux de centres d’activités dynamiques qui améliorent la richesse et les opportunités de tous. Le tout, en relié par de multiples options de voyage et de courts trajets qui atténuent notre impact sur l’environnement. La ville du futur n’est donc pas un jeu de prédiction, c’est un choix.