L’une des différences qui distingue principalement les propriétaires de blocs du passé vis-à-vis des investisseurs sophistiqués d’aujourd’hui, c’est que les propriétaires de blocs se payent à partir du cashflow, alors que les investisseurs d’aujourd’hui se payent à partir du produit de refinancement. J’aimerais mettre en lumière ce glissement de perspectives, qui représente un tournant marquant de l’investissement immobilier au Québec.
Le cashflow
Le fameux cashflow ! Ouvrez à peu près n’importe quel vieux livre d’investissement immobilier multilogement québécois et vous réaliserez qu’à une certaine époque on vouait un culte du cashflow.
Mais qu’entend-on exactement par cashflow ? Il s’agit du revenu brut de votre immeuble, à savoir la totalité des loyers, auquel vous soustrairez tout ce que vous avez à payer, à savoir les dépenses opérationnelles et l’hypothèque. En bref, c’est ce qu’il vous reste à la fin du mois dans le compte.
À une certaine époque, on rêvait d’avoir des immeubles libres de dette. Imaginez le cashflow d’un immeuble si votre hypothèque était entièrement remboursée! C’est aussi pour cette raison qu’on trouve parfois encore certains immeubles à peu près dépourvus de dette, chez des propriétaires de blocs plus âgés. Dans le même esprit, ces propriétaires de blocs sont du genre à tout faire eux-mêmes, travaux, tonte de gazon, collecte des loyers, etc., justement pour avoir le moins de dépenses, et donc plus de cashflow.
Conséquemment, le rapport aux rénovations est particulier chez ce type de propriétaires. De manière générale, ce sont des propriétaires qui n’investiront pas beaucoup en rénovations. Pensez-y un peu, investiriez-vous 10 000$ dans un logement, si vous ne pouviez augmenter le loyer que de 100$/mois ? Ça vous prendrait plus de 8 ans, ne serait-ce que pour rembourser votre dépense. On comprend pourquoi le parc immobilier est aussi mal en point au Québec !
Le produit de refinancement
La caractéristique principale des investisseurs de notre époque, c’est qu’ils ne se paient pas à partir du cashflow, mais bien à partir des produits de refinancement.
Qu’est-ce qu’un produit de refinancement ? C’est la différence entre la nouvelle hypothèque et l’ancienne. Bien que ce principe paraisse complètement habituel pour la nouvelle génération d’investisseurs immobilier, prenons la peine de voir un peu ce que ça implique, pour le bénéfice de tous.
Prenons un exemple bien simple : vous achetez un immeuble à 1M$, dans un monde où le prix payé, la valeur marchande et la valeur économique coïncident. Vous mettez 250K$ de votre poche en guise de mise de fond et obtenez une hypothèque de 750K$, puisque la banque vous octroie un RPV de 75%. Vous investissez ensuite 500K$ en rénovations, ce qui permet de faire doubler la valeur de votre immeuble.
Donc, vous retournez ensuite voir la banque, et demandez une hypothèque correspondant à 75% de la nouvelle valeur de votre immeuble. La banque vous octroie donc un nouveau financement de 1,5M$, lequel permettra de rembourser votre hypothèque initiale de 750K$, et d’obtenir en plus, en excédant, un produit de refinancement d’environ 750K$. Ce produit de refinancement vous permet donc de rembourser le 500K$ en rénovation et puis votre mise de fond de 250K$.
Autrement dit, dans un monde ou le TGA de financement serait de 5%, vous auriez réussi à rembourser 100% de vos travaux, et 100% de votre mise de fond, totalisant une somme de 750K$, par une augmentation des revenus d’environ 50K$. Sur un immeuble de 10 logements, ça signifierait un investissement approximatif de 50K$ par logement, pour une augmentation locative correspondant à 415$/mois.
Pour les vieux propriétaires de blocs, qui se payent par le cashflow, il faudrait donc 10 ans avant de rembourser le 50K$ investi à partir de l’augmentation de 415$/mois. Pour un nouveau propriétaire, qui se paye avec le produit de refinancement, ça pourrait très bien être en moins de trois ans.
Passif ou capitaux propres ?
Mais certains objecteront certainement : le produit de refinancement, c’est de la dette, et donc on ne peut pas dire que les travaux et la mise de fond sont véritablement remboursés, puisqu’ils sont simplement payés par un emprunt.
Si vous pensez de cette manière là, c’est que vous n’avez pas compris le principe d’une valeur économique en multilogement (lire mon article sur les différentes valeurs en immobilier multilogement).
N’oubliez pas, la valeur économique est fixée à partir de la capacité de l’immeuble à rembourser une dette. Autrement dit : le prêt maximal qui vous sera octroyé sera toujours structuré de sorte qu’il se rembourse par lui-même, à partir des revenus de l’immeuble, sans que vous n’ayez besoin de débourser un rond de plus.
Pour cette raison, bien que le produit de refinancement soit à proprement parler une dette, on peut néanmoins se permettre de le considérer à la manière de capital.
Changer sa perspective comme investisseurs
Ce changement de perspective dans la manière d’investir en immobilier multilocatif au Québec aura certainement deux impacts sur l’époque qui se dessine : une augmentation générale du cout des loyers, une compression des TGA paritaires des immeubles à fort potentiel, et une amélioration globale de la condition physique des immeubles.
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