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La SCHL se prononce sur le lien entre les taux d’intérêt élevés et la quantité de mises en chantier de logements en 2023

7 octobre, 2024   |   Par Kadiatou Bah

Selon la modélisation de la SCHL, les taux d’intérêt ont entraîné en 2023 une baisse des mises en chantier d’environ 30 000 unités, soit une baisse de 10 à 15 %.

Les acteurs du secteur de l’habitation et de la promotion immobilière vous diront tous que les taux d’intérêt élevés des dernières années ont constitué un défi de taille pour eux et qu’ils ont dû ralentir les choses. Ce n’est plus une simple anecdote, car la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) peut maintenant donner un chiffre à ce sujet.

« Notre modélisation suggère qu’en 2023, des taux d’intérêt plus élevés ont entraîné une diminution des mises en chantier d’environ 30 000 unités au Canada », a déclaré Aled ab Iorwerth, économiste en chef adjoint de la SCHL, dans un article de commentaire publié le 3 octobre.

Cette baisse de 30 000 unités représente une baisse d’environ 12 % des mises en chantier, sur une moyenne annuelle totale d’environ 250 000.

Le taux d’intérêt directeur de la Banque du Canada a terminé l’année 2022 à 4,25 %, puis a été relevé à 4,50 % en janvier et y est resté jusqu’à ce qu’il soit relevé à 4,75 % en juin, puis à 5,00 % en juillet. Ce 5% a demeuré pour le reste de 2023 jusqu’en juin 2024, lorsque les baisses de taux ont commencé.

Comment les taux d’intérêt affectent réellement les mises en chantier de logements?

L’offre de logements est sensible aux taux d’intérêt, explique Aled, mais de différentes manières.

Pour les projets de copropriété, les acheteurs sont moins enclins à acheter en raison de coûts de financement plus élevés. Les promoteurs sont généralement tenus par leurs prêteurs d’atteindre des objectifs de pré-vente (souvent entre 60 et 70 %). Ainsi, si les acheteurs n’achètent pas, les constructeurs ne peuvent pas commencer à construire.

« Les petits investisseurs fournissent une grande partie du financement pour la construction d’appartements en copropriété », a déclaré Aled, reconnaissant l’importance des investisseurs-acheteurs. « Les promoteurs lèvent des fonds auprès d’acheteurs potentiels qui pourraient occuper ces unités ou les louer. Ainsi, la volonté des acheteurs et des investisseurs individuels d’emprunter déterminera la construction d’immeubles en copropriété. »

Pour les projets de location, l’effet est ressenti par les développeurs/emprunteurs institutionnels qui doivent eux-mêmes faire face aux coûts élevés.

« Les grands investisseurs jouent également un rôle essentiel dans le financement de la construction de grands immeubles de plusieurs étages destinés à la location », a déclaré Aled.

 « Bien que leurs coûts de construction de plusieurs millions de dollars soient finalement couverts par les locataires au fil du temps, ces dépenses initiales doivent être payées avant que les revenus ne commencent à affluer. Pour gérer ce décalage temporel, les institutions financières interviennent en s’endettant pour faire correspondre les coûts actuels aux revenus futurs. Mais ce mécanisme de financement rend la décision de poursuivre ou non la construction plus sensible aux taux d’intérêt et dépend de la volonté des institutions financières d’accorder un crédit. », a-t-il expliqué.

En conclusion de sa réflexion, Aled a déclaré que « la sensibilité des investisseurs privés dans le secteur immobilier, qu’ils soient grands ou petits, aux fluctuations macroéconomiques suggère qu’il est essentiel de garantir un flux continu de fonds d’investissement à long terme pour accroître l’offre de logements ».

Le pire est-il derrière nous?

Bien que la Banque du Canada ait maintenant commencé à réduire ses taux d’intérêt, après avoir finalement atteint son objectif d’inflation de 2 %, le soulagement n’est pas immédiat.

« Nous demeurons préoccupés par le fait que les mises en chantier à Torontopar exemple n’ont pas encore pleinement reflété l’impact de la hausse des taux d’intérêt », a déclaré Aled. « Même si les effets différés de la hausse des taux se poursuivront probablement, la baisse des taux d’intérêt devrait stimuler l’offre de logements au cours de la prochaine année. Compte tenu de cette opportunité, les efforts visant à soutenir une offre de logements plus importante doivent se poursuivre. »

Il a également reconnu que la majeure partie de l’offre de logements au Canada provient du secteur privé et a déclaré que, compte tenu de cette réalité, les gouvernements doivent soutenir le secteur privé.

« Au cours des deux dernières décennies, le Canada a accumulé un déficit structurel dans l’offre de logements qui ne peut être comblé que par des investissements massifs du secteur privé », a-t-il déclaré.

 « Le secteur privé fournit environ 95 % des logements au Canada, ce qui est particulièrement vrai pour répondre aux problèmes d’accessibilité de la classe moyenne, que ce soit pour la location ou l’accession à la propriété. Malheureusement, cela signifie également qu’il faut compter sur un secteur qui est affecté par les changements de l’économie, notamment les variations des taux d’intérêt. Ainsi, tous les ordres de gouvernement doivent s’assurer que le secteur privé puisse construire autant de logements que possible lorsque la situation économique est bonne et que les taux d’intérêt sont bas. »

Les gouvernements peuvent notamment soutenir le secteur privé en réduisant les délais d’approbation, en diminuant l’incertitude et en concevant des cadres garantissant que la construction puisse se poursuivre même lorsque les taux d’intérêt sont élevés.

« En fin de compte, bâtir un avenir où tous les Canadiens auront accès à un logement abordable exige un effort collectif », a conclu Aled. « Même si les taux d’intérêt plus élevés constituent toujours un obstacle à court terme, ils nous offrent à tous des enseignements importants. Nous devons envisager des moyens de donner plus de pouvoir au secteur privé tout au long du cycle économique si nous voulons résoudre la crise du logement. »