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Le Canada commet une « erreur » qui sous-estimera l’inflation selon une des six grandes banques

16 août, 2021   |   Par Kadiatou Bah

L’inflation canadienne devrait ralentir en douceur, pour s’établir à un niveau bas et stable. Un petit problème cependant se pose, votre coût de la vie peut ne pas connaître une faible inflation. Statistique Canada a publié les données de l’indice des prix à la consommation (IPC) qui montraient un ralentissement inattendu en juin. L’interprétation populaire de cette publication est qu’elle prouve que l’inflation élevée est transitoire, mais au moins une banque des six grandes banques pense que ce n’est certainement pas le cas.

La Banque Nationale du Canada (BNC) soutient que la croissance récente montre une accélération, et non un ralentissement. Dans une note partagée avec les clients, la BNC explique que la hausse des coûts est plus collante que présentée bien que cela n’apparaisse pas dans les données officielles du Canada.

Les économistes de la banque préviennent que les récents changements de méthodologie sous-estimeront chroniquement l’inflation. Ils sont allés jusqu’à demander rhétoriquement si l’agence pense que c’est la meilleure façon de servir l’économie du pays. 

L’inflation canadienne a décéléré d’une certaine manière en juin

Commençons par les gros titres qui ont été publiés. L’agence a rapporté que l’IPC a augmenté de 0,3% en juin, en baisse par rapport à l’augmentation de 0,5% observée en mai. Une décélération a également été observée pour les taux annuels.

Le taux de croissance annuel est ainsi tombé à 3,1 % en juin, après s’être établi à 3,6 % en mai. Ce dernier était le plus gros tirage depuis 2011, donc la baisse de l’augmentation des coûts était plus que bienvenue. Statistique Canada attribue la décélération à l’effet de base, ce qui contribue à ralentir la croissance. Des données récentes montrent cependant que l’inflation élevée n’était pas seulement un problème d’effet de base.

Le taux de croissance annualisé sur 3 mois a atteint 4,4 % en juin et la croissance récente a été supérieure au taux annuel. Voir le taux annuel décélérer est un peu étrange, mais le fait est que ce n’est pas seulement un effet de base. L’inflation s’est accélérée récemment, pas seulement par rapport à l’année dernière.

Le Canada a changé l’inflation pour « mieux » refléter les dépenses liées à la pandémie

Récemment, des discussions sur les changements apportés à la pondération du panier de l’IPC ont fait ressortir les raisons pour lesquelles cela aplanira l’inflation. Pour récapituler, plus de poids est accordé aux domaines qui ont vu leurs coûts grimper en flèche en 2020. Cela peut sembler une bonne idée, mais les augmentations de prix étaient considérées comme transitoires. Les zones du panier qui ont gagné des points les éloignent des zones où la consommation était faible… en raison de contraintes artificielles.

En réalité, l’accent a été mis sur les zones susceptibles de voir une correction des prix. Cela rendra les coûts transitoires déflationnistes. En même temps, ils ont réduit le poids des domaines avec des réductions temporaires des dépenses. Pour finir, cela réduira l’impact des composants dont les coûts devraient augmenter. Globalement, l’inflation sera beaucoup plus faible qu’en réalité. Une banque des six plus grande est d’accord avec ce point de vue.

Statistique Canada fait une « erreur » et sous-estimera l’inflation

BNC a envoyé aux clients une « note méthodologique » spéciale sur la mise à jour du panier utilisée pour juin. Statistique Canada met à jour le panier tous les deux ans, la mise à jour de 2017 étant utilisée pour créer des points d’inflation jusqu’en mai dernier. Le panier de 2019 n’a pas été utilisé, au lieu de cela un autre panier a vu le jour pour 2020. Plutôt que d’utiliser les mêmes méthodes sur une période stable, les décideurs voulaient « mieux refléter » les habitudes de dépenses liées à la pandémie. 

La BNC a déclaré que ce serait une “erreur” d’ajuster les habitudes de dépenses à une période où les dépenses sont non naturelles. Désormais, le panier reflète les habitudes de dépenses établies en 2020, qui étaient tout à fait normales. À l’ironie, disons que le papier toilette, le Lysol, le cannabis et l’alcool sont les seules choses que les gens achèteront à partir de maintenant.

Les domaines sur lesquels il y a eu moins de dépenses représentent maintenant une plus petite partie du panier d’inflation. « Les articles dont le poids devrait augmenter dans le panier des consommateurs à la réouverture de l’économie (transports, essence, loisirs) occuperont donc une trop petite place dans le nouveau panier », ont estimé les économistes de la banque. 

La banque déclarait en appuie, « étant donné que nous nous attendons à ce que ces catégories connaissent les plus fortes augmentations de prix dans un avenir proche, les données officielles sur l’inflation sont susceptibles de continuer à sous-estimer la pression inflationniste à l’avenir”. Statistique Canada introduit un biais statistique conçu pour réduire les lectures d’inflation. L’agence risque de récidiver à l’avenir.

Statistique Canada prévoit désormais de mettre à jour le panier d’inflation sur une base annuelle. Cela augmentera constamment le poids du panier pour les poussées temporaires et mettra l’accent sur les corrections. La BNC a demandé si cette décision avait une quelconque valeur publique. Cela ne semble certainement pas être le cas.

« Nous ne sommes pas sûrs que ce soit la meilleure façon pour Statistique Canada d’atteindre son objectif « de s’assurer que l’IPC reflète le changement de prix vécu par les Canadiens » », ont-ils écrit. 

Ces propos peuvent ressembler à un discours alarmiste, mais cette manipulation des données peut avoir de graves conséquences. La politique monétaire est basée sur l’IPC, et la minimiser conduira à des conditions et mesures souples. Les effets de relance deviendraient moins efficaces, donc ce ne sera pas un boom pour l’économie. Les points positifs, tels qu’une consommation plus élevée, se normaliseront. Les conséquences négatives deviendraient plus prononcées. Par exemple, les augmentations salariales indexées ne refléteront pas la réalité de la hausse des coûts, rendant les personnes moins riches. Le même problème se pose chez les retraités, fortement impactés par l’inflation. L’écart entre les augmentations salariales liées à l’inflation et le coût réel de la vie va s’aggraver. Cela pourrait conduire à une augmentation encore plus rapide des inégalités, à chaque mise à jour du panier.