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Le deuxième plus grand pays du monde manque de terres

20 mai, 2021   |   Par Kadiatou Bah

Le rêve des Canadiens d’avoir une maison avec cour devient inatteignable alors que les prix de l’immobilier montent en flèche et que l’espace pour construire est limité.

Le marché de l’habitation au Canada est plus chaud que n’importe où ailleurs dans le monde. 

Mais malgré l’angoisse des guerres d’enchères irrationnelles et les craintes de l’ éclatement de la bulle , ce qui la motive fondamentalement, c’est un déséquilibre qui s’aggrave entre l’offre et la demande. Les acheteurs veulent de grandes maisons, mais ne peuvent plus en avoir parce qu’il n’y a pas assez d’espace dans et autour des grandes villes où les gens travaillaient avant que la pandémie ne change les choses. 

Le deuxième plus grand pays du monde en termes de masse continentale est en fait à court d’espace. Le rêve d’une maison individuelle et d’un lopin de terre, que des générations de Canadiens ont tenu pour acquis et qui continue d’attirer de nouveaux immigrants, pourrait bientôt être hors de portée dans les endroits où les gens désirent habiter. Cela pourrait forcer une extension de l’idée d’avoir une maison pour inclure de la diversité soit: les condos et la location, transformant potentiellement la façon dont la classe moyenne fait apparier tout, de l’éducation de la famille à l’épargne pour la retraite.

« La pénurie de terres au Canada est un phénomène relativement récent par rapport à l’Europe, au Japon ou à d’autres régions du monde », a déclaré Robert Hogue, Économiste à la Banque Royale du Canada. « Je pense que pour les générations futures, l’accession à la propriété aura l’air beaucoup plus européenne qu’aujourd’hui. »

Au Canada, l’achat d’une maison a longtemps été considéré comme la voie la plus sûre vers une certaine sécurité pour la classe moyenne. Les Canadiens vivent en moyenne dans de plus grandes maisons et affichent des taux d’accession à la propriété plus élevés qu’au Royaume-Uni, en France ou même aux États-Unis.

Près de 60% des ventes de maisons l’an dernier dans 18 collectivités de Toronto, Montréal, Vancouver, Ottawa et leurs environs concernaient des maisons unifamiliales individuelles, selon des données compilées par une certaine firme. Le quart des ventes dans ces lieux concernait cependant, des appartements.

Mais lorsqu’on regarde ce qui a été construit dans ces mêmes villes au cours de la dernière décennie, les pourcentages sont exactement inversés: 60% du parc de logements neufs sont des appartements et seulement 25% des maisons individuelles, selon les données gouvernementales. Cette inadéquation a forcé des soumissionnaires désespérés à se battre à cause d’un approvisionnement restreint de maisons unifamiliales.

 En 2020, les prix des maisons au Canada ont augmenté de près de 15%, ce qui est relativement énorme. 

Toujours  l’offre et de la demande

Bien que la construction ait commencé l’année sur un nombre record de nouvelles maisons dans les régions métropolitaines du Canada, le pourcentage des maisons dites « unifamiliales » est en fait tombé à 19% contre 24% l’année précédente, selon les données gouvernementales. Bien que ce ratio se soit amélioré au mois d’avril, les mises en chantier de logements neufs ont globalement ralenti ce mois-là. Les développeurs ne semblent donc pas suivre la tendance du marché.

« S’il y a un problème, c’est dans la composition de la nouvelle offre », déclarait Robert Kavcic, Économiste à la Banque de Montréal . « Nous ne construisons plus de maisons individuelles. Et cela se produit d’un point de vue démographique, c’est ce que le marché exige. Nous sommes donc en quelque sorte coincés sur ce front. » renchérit-il.

Cela se résume à l’accession aux terres. Alors que le Canada possède une superficie totale d’environ 10 millions de kilomètres carrés, soit environ 40 fois la superficie du Royaume-Uni, la plupart des Canadiens sont regroupés dans une poignée de grandes villes non loin de la frontière américaine. C’est là que se trouve le plus souvent une concentration des emplois.  L’ère du travail à domicile a élargi ce rayon pour certains, transformant les communautés agricoles calmes et les lieux de week-end en des marchés immobiliers plus chauds au pays. Avec l’optique de ne retourner au bureau que quelques jours par semaine, la tendance se maintient.

Les facteurs propres à la ville ont encore plus limité l’utilisation des terres. Vancouver est coincée entre l’océan Pacifique et les montagnes. Montréal est une île et les règlements provinciaux contre l’étalement urbain ont effectivement transformé Toronto et Ottawa en des lieux propices aux fins du développement.

« Si nous pensons aux acheteurs d’une première maison, un jeune couple débutant, il serait beaucoup plus réaliste pour celui-ci d’envisager un appartement en copropriété comme une maison est un bon point de départ vu de l’abordabilité », a déclaré Hogue. « C’est la norme pour les grandes villes du monde. J’ai du mal à penser à une grande ville du monde où une maison individuelle près du centre-ville est abordable. »

Le Canada aura également besoin de plus d’appartements, d’autant plus que le premier ministre Justin Trudeau entreprendra de propulser l’immigration vers des records historiques pour compenser l’accalmie connue pendant la pandémie. Selon un récent rapport de la Banque de Nouvelle-Écosse, le pays connaît une pénurie de logements, affichant le plus faible nombre d’unités de logement pour 1 000 habitants parmi les pays du G7.

Cette pression signifie que l’accalmie qui est apparue sur les marchés de la copropriété urbaine et de la location au cours de la dernière année devrait être de courte durée, expliquant une partie de l’accent mis par les développeurs sur la densité. 

Les contraintes foncières ne représentent pas le principal obstacle à la construction d’un plus grand nombre d’appartements dans les villes canadiennes, c’est plutôt la réglementation de zonage locale qui est un frein. De plus en plus d’appartements sont construits alors, les Canadiens devront s’habituer à y vivre.