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Le huard était au pair avec le dollar américain la dernière fois que l’excédent commercial du Canada était si robuste. Pourquoi pas maintenant?

8 septembre, 2021   |   Par Kadiatou Bah

Un avantage inattendu de la pandémie est que le Canada enregistre ses premiers excédents de comptes courants depuis environ 13 ans, mais ce niveau n’a pas été transformateur pour le dollar canadien.

Pourtant le marché de l’habitation se voit favorisé en général par la vigueur du dollar canadien qui historiquement a contribué directement à la croissance du PIB. La raison était que des investissements additionnels dans l’immobilier résidentiel pouvaient être faits grâce à la vigueur du dollar. En 2004, la vigueur de la monnaie a aussi donné un coup de pouce financier non négligeable à de nombreux ménages grâce aux liquidités additionnelles obtenues avec les économies réalisées au moyen de prêts hypothécaires à taux variable, à l’effet de richesse attribué à la hausse de valeur des propriétés, à la diminution des versements d’intérêts hypothécaires, imputable en partie à l’augmentation de la quantité de refinancements, ainsi qu’à de nouveaux prêts sur la valeur nette des propriétés.

Selon Statistique Canada, l’excédent dans le compte courant a doublé pour atteindre 3,6 milliards de dollars au cours du deuxième trimestre, contre 1,8 milliard de dollars au cours des trois premiers mois de l’année. Pourtant, la vigueur de l’économie nationale et du marché de l’habitation n’a pas trouvé écho dans la performance du huard.

La dernière fois que les finances du Canada étaient dans le noir, en 2008, la devise s’échangeait au pair avec le billet vert américain. Maintenant, sur le marché des devises, c’est une différence timide observée d’environ 20 cents. La raison en est le voyage, ou plutôt son absence.

En temps normal, les Canadiens voyagent à l’étranger et dépensent plus d’argent que les touristes ne dépensent ici. Cela réduit l’excédent du compte courant jusqu’à ce qu’il soit habituellement un déficit. 

Maintenant, la frontière terrestre américaine est toujours fermée aux Canadiens et d’autres pays commencent à peine à mettre en place leurs règles concernant qui ils vont laisser entrer chez eux et quand.

« À notre avis, cela a à voir avec la nature temporaire du surplus… Au fur et à mesure que les choses se normalisent, on peut s’attendre à ce que le compte voyages redevienne déficitaire », explique Stéfane Marion, Économiste en chef et stratège à la Banque Nationale du Canada, dans une note.

« Un retour aux niveaux d’avant la crise pourrait réduire l’excédent du compte courant de 4 à 5 milliards de dollars. Le dollar canadien est peut-être sous-évalué maintenant, mais pas autant que le solde du compte courant le suggère », ajoute-t-il.

Un rebond des prix des produits de base au deuxième trimestre depuis les pires jours de la pandémie a également contribué à générer l’excédent, a déclaré Statistique Canada. Les prix du bois d’œuvre exporté, de l’huile, des matériaux de construction en général et d’emballage ont augmenté. Cela a été partiellement compensé par la baisse des exportations d’automobiles en raison de la pénurie mondiale de puces semi-conductrices.

D’autres facteurs peuvent avoir joué pendant la pandémie pour créer les excédents du compte courant, tels qu’une baisse de la demande intérieure pendant les fermetures, tandis que les contraintes d’approvisionnement étrangères ont limité les importations.

Les récents chocs sur les prix des produits de base et la hausse attendue des voyages alors que les restrictions liées à la pandémie seront levées au cours des prochains mois et ramèneront probablement le compte courant en territoire déficitaire, a déclaré la CIBC Capital Markets dans sa propre note de recherche.

La propagation continue du variant Delta aux États-Unis, tout comme la Réserve fédérale américaine qui indique qu’elle pourrait réduire les mesures de relance cette année, pèse également sur les prix des matières premières. Néanmoins, le taux d’inoculation relativement élevé du Canada pourrait être de bon augure pour sa croissance économique et sa devise.

Le huard a atteint un creux de six mois le 22 août lorsqu’il a été mesuré à 1,28 $ pour acheter un dollar américain. Il s’était amélioré à 1,26 $ mercredi dernier. La Banque Nationale a déclaré qu’il pourrait atteindre 1,22 $ dans les prochains mois, conformément à un sondage d’analystes effectué au début du mois d’août.

Le plan de la Fed de réduire progressivement les mesures de relance signifie acheter moins d’obligations pour injecter des capitaux sur le marché. Moins de dollars américains sur le marché augmenteront leur valeur ainsi que la valeur des rendements des obligations du gouvernement américain, augmentant l’attrait pour les investisseurs des actifs négociés en dollars américains, ce qui pourrait limiter l’appréciation du huard.

Les économistes de la Banque Nationale affirment que les élections fédérales ne changeront pas leurs prévisions pour le huard, étant donné que tous les partis fédéraux ont annoncé plus de dépenses fiscales dans leur programme.

Il y a eu peu ou pas de prime dans le dollar canadien par rapport au billet vert en raison des cinq dernières élections fédérales, a écrit Bipan Rai, Chef de la stratégie de change à la CIBC, dans une note aux clients. Il a déclaré que la plupart des mouvements du dollar canadien peuvent être attribués à d’autres facteurs tels que les prix du pétrole, les rendements obligataires et la force du dollar américain. L’élection du 20 septembre ne fera pas non plus une grande différence.

« Il est peu probable que cette élection signifie grand-chose pour le dollar canadien. En fait, la plupart des campagnes électorales au Canada ne suffisent pas du tout par déplacer le cadran pour le huard », a écrit Rai. « Le profil risque/rendement du pays est encore beaucoup trop attractif pour les investisseurs étrangers et cette élection n’y changera rien.

Pourtant, les investisseurs tiennent toujours compte d’une petite quantité d’incertitudes. La volatilité implicite sur trois semaines du taux de change du dollar canadien par rapport au dollar américain, une mesure qui s’étend un jour après le vote, est estimée aujourd’hui à 7,2%, soit 0,3% de plus que la volatilité sur trois mois de 6,9%.