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Le problème lié à l’application des taxes sur les logements vacants comme solution au manque d’offre de logis

22 novembre, 2021   |   Par Kadiatou Bah

La Ville de Toronto a proposé une taxe sur les logements vacants en pensant que celle-ci aurait pour effet que les propriétaires confrontés à la perspective de la payer vendront ou loueront leur logement, améliorant ainsi la quantité de logements offerte.

Les motivations derrière la taxe sur les logements vacants sont compréhensibles, mais il n’est pas certain qu’une taxe fasse une différence significative dans l’augmentation de l’offre de logements de la ville.

Ne sachant pas grand-chose de la prévalence des logements vacants à Toronto, ni même le nombre de logements actuellement vacants, cela devient difficile à mesurer. Selon certaines estimations, environ un pour cent des logements pourrait être vide. La Ville estime que la taxe proposée d’un pour cent sur la valeur imposable des maisons inoccupées pourrait rapporter de 55 à 66 millions de dollars par année, sur la base d’environ 6 500 à 9 600 logements qui pourraient être assujettis à la taxe.

La taxe serait imposée sur les propriétés qui restent inoccupées pendant plus de six mois à compter de 2022. Les résidences principales vacantes sont exonérées de la taxe. D’autres exemptions s’adaptent aux snowbirds, aux logements en cours de rénovation ou de vente et en cas de décès du propriétaire.

Toronto n’est certainement pas la première juridiction principale à taxer les propriétaires de logements vacants. Par exemple, Vancouver a imposé une taxe similaire en 2017 et estime que la taxe a réduit le nombre de maisons vacantes de 25%.

Le gouvernement fédéral prévoit également imposer « le tout premier impôt national du Canada, sur les biens immobiliers résidentiels inoccupés, appartenant à des non-Canadiens qui sont considérés comme vacants ou sous-exploités » à compter de 2022. Alors que les autorités ont l’intention de cibler les investisseurs offshore, la version municipale de la taxe ne fait pas de différence selon le statut de citoyenneté.

Les défenseurs de l’abordabilité du logement croient que les logements vides sont beaucoup plus nombreux qu’un pour cent du parc de logements. Un résident du centre-ville de Toronto a utilisé une caméra de détection de lumière pour estimer de façon non officielle que 5,6 % des logements de son quartier sont vacants.

La question cruciale est de savoir si ces logements étaient vacants depuis plus de six mois. Pendant la pandémie, les taux d’inoccupation des condominiums du centre-ville ont augmenté, ce qui a fait en sorte que certains logements sont restés vacants plus longtemps. De plus, certains résidents du centre-ville ont temporairement déménagé dans des propriétés secondaires, dans un pays où les chalets sont populaires, afin d’avoir plus d’espace que ce qu’un appartement d’une ou deux chambres offre aux travailleurs à domicile.

Vancouver un pionnier

Voyons quelles leçons nous pouvons tirer de l’expérience de Vancouver. Le rapport annuel de Vancouver sur la taxe sur les logements vides pour 2019, le plus récent disponible en ligne, a identifié 6 025 logements vacants, représentant 3,1% du parc de logements. Environ 4 132 logements vacants ont été exemptés de la taxe, qui a été imposée sur les 1 893 logements vacants restants, soit un peu moins d’un pour cent des logements.

Curieusement, la valeur imposable des propriétés vacantes était sensiblement plus élevée que d’autres. Par exemple, la moyenne des condos vacants a été évaluée à 1,5 million de dollars, comparativement à 900 000 $ pour l’ensemble des condominiums. De même, la valeur imposable des maisons unifamiliales vacantes était en moyenne 52 % plus élevée que celle des maisons unifamiliales dans l’ensemble.

Ce qu’il faut retenir de Vancouver, c’est que la plupart des logements vacants ont finalement été exonérés de la taxe. Par ailleurs, le nombre de logements soumis à la taxe est passé de 2 538 en 2017 à 1 893 en 2019. De plus, les revenus générés par la taxe sur les logements vacants et les pénalités connexes à Vancouver ont diminué pour s’établir à 27,9 millions de dollars en 2019, contre 33,6 millions de dollars en 2017.

La taxe sur les logements vacants a entraîné une augmentation de l’offre à Vancouver, mais pas beaucoup pour le stock occupé par le propriétaire. Un rapport de la Société canadienne d’hypothèques et de logement a documenté une augmentation de 5 920 condominiums dans le parc locatif à long terme de la ville en 2018 et 2019.

Toronto n’est pas la seule à envisager une taxe sur les logements vacants. Ottawa prévoit une initiative similaire pour 2022. La taxe, cependant, ne devrait pas être une excuse pour éviter de faciliter la construction de milliers de nouveaux logements de différentes tailles et types afin de combler correctement l’écart entre l’offre et la demande.