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Les resserrements des politiques monétaires à travers le monde mettent la BCE sous pression

4 novembre, 2021   |   Par Kadiatou Bah

Un peu partout dans le monde, les banques centrales durcissent leurs politiques monétaires pour faire face à l’inflation grandissante. Après le Canada la semaine dernière, mardi, c’était la banque centrale australienne qui raffermissait les contours de sa politique monétaire. Ce mercredi, après la réunion du Federal Open Market Committee, c’était autour des États-Unis d’annoncer la réduction du soutien monétaire de la Fed à son économie. 

Ces changements dans les politiques monétaires montrent que face à l’inflation qui s’accélère, les banquiers centraux des pays prennent action.

La Banque Centrale européenne (BCE) n’emboîte toutefois pas le pas. « Malgré la poussée inflationniste actuelle dans la zone euro, les perspectives d’inflation à moyen terme restent modestes faisant que les conditions d’une hausse des taux ne seront pas réunies l’an prochain », a expliqué Lagarde lors d’une allocution à Lisbonne.

La BCE ne suit donc pas la vague parce qu’elle se doit de garder des conditions favorables au financement pour les pays d’Europe. En l’absence du soutien de la BCE, certains pays plus fragiles sur le plan budgétaire risquent de voir leurs économies en pâtir.

« Un durcissement des conditions de financement n’est pas souhaitable à un moment où le pouvoir d’achat est déjà comprimé par la hausse des factures d’énergie et de carburant, et cela représenterait un vent contraire non désirable pour la reprise », a expliqué Lagarde.

Les anticipations des marchés pour une première hausse des taux sont maintenant en décembre 2022. Lagarde a donc de manière plus nette que lors de la dernière conférence de presse de l’institut en fin octobre, permis au marché de faire des anticipations sur les intentions de la BCE.

Notons que la hausse plus forte qu’attendu de l’inflation en zone euro, à 4,1% annuel en septembre, soit le rythme de hausse des prix le plus élevé depuis plus de 13 ans, a mis la pression sur la BCE.

Mais pour l’instant, la banque s’attend à que l’inflation retombe en 2022 et n’atteigne que 1,5% en 2023, bien en deçà de sa cible de 2%.

Il faudrait que la prévision d’inflation pour l’année suivante et celle d’après se situent dans son objectif pour que la BCE se mette à augmenter les taux.

Alors que la BCE a opté pour l’attentisme face à l’inflation, préférant continuer de soutenir l’économie alors que la reprise s’essouffle.

La BCE voit, elle, une bonne raison de relativiser. Il y a dix ans, son ancien président Jean-Claude Trichet avait relevé trop tôt les taux, alors que la crise allait frapper, une erreur rapidement corrigée par son successeur Mario Draghi, mais qui est restée dans les annales de la BCE.

À agir selon son plan actuel, la BCE en maintenant sa politique monétaire trop souple pourrait pénaliser sa monnaie qui est l’euro. Les fonds de capitaux ont la majeure partie du temps tendance à être investis où les taux d’intérêt sont les plus rémunérateurs pour les investisseurs.  Alors, l’euro pourrait se dévaluer par rapport au dollar américain par exemple ou le yuan et cela rendrait les importations de matières premières encore plus chères. L’inflation deviendrait, dans ce cas-là, encore plus persistante à la vue de ce qui se passe dans la chaîne d’approvisionnement mondiale.

Ce n’est certainement pas le scénario souhaité par les dirigeants en Europe. Les banquiers centraux vont donc suivre de manière attentive l’évolution de la situation mondiale pour prendre les décisions requises, au moment opportun.