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L’immobilier domine l’économie canadienne à un degré alarmant

7 avril, 2021   |   Par Kadiatou Bah

Au début de la pandémie, la Société Canadienne d’Hypothèques et de Logement (SCHL) semblait convaincue que c’était la fin de la hausse des prix dans l’immobilier, prédisant une plongée dans les valeurs des maisons allant de mauvaises à catastrophiques. 

Evan Siddall, ancien président de la SCHL prédisait, le printemps dernier, une baisse de 9 à 18 % du prix des logements canadiens au cours des 12 prochains mois.

Mais au lieu de cela, le marché a connu une autre année record, dépassant même les gains du marché américain. Le chef de l’agence immobilière a dû admettre sur Twitter  qu’il s’était trompé , peu de temps avant d’être remplacé. 

Aujourd’hui, l’achat, la vente et la construction de maisons au Canada occupent une plus grande part de l’économie que dans tout autre pays développé, selon la Banque des règlements internationaux. Ils absorbent également une part plus importante du capital d’investissement que dans n’importe quel autre pays comparable au Canada.

Les prêts hypothécaires des Canadiens ont contribué à créer l’une des plus grandes piles de dettes à la consommation au monde, et l’exposition de notre système financier à ces prêts est deux fois supérieure à celle des États-Unis. Avec des prix déjà à des niveaux records, le marché canadien de l’habitation a démarré 2021 en surchauffe, affichant des gains annuels de plus 30% dans la plupart des collectivités du pays.

Au fur et à mesure que les choses évoluent, une question troublante commence à être soulevée dans les cercles politiques à Toronto et à Ottawa: que se passe-t-il si les prix des maisons ne cessent pas d’augmenter? 

Cette question souligne la crainte d’une séparation plus grande entre les mieux nantis et les démunis au Canada. Au cours des deux dernières décennies, les grandes villes du pays ont enregistré la pire détérioration de l’abordabilité du logement parmi les grandes métropoles du monde, selon un consultant en urbanisme de la firme en consultation en aménagement du territoire Demographia.

Les villes les moins abordables au Monde

Selon l’étude américaine Demographia International Housing Affordability

RangVille
1Hong Kong
2Vancouver
3Sydney
4Auckland
5Toronto
6Melbourne
7San José
8San Francisco
9Honolulu
10Los Angeles

Alors qu’une part de plus en plus importante de l’économie est consacrée au logement, les inquiétudes grandissent quant au fait qu’il y aura moins de place pour des utilisations plus productives du capital.

« Nous dépensons beaucoup plus pour garder un toit au-dessus de nos têtes que pour la productivité, les machines, les usines et l’IA. Une part beaucoup plus grande de notre économie est maintenant consacrée à la construction résidentielle par opposition aux structures non résidentielles, ou simplement aux dépenses directes en machines et matériel. Ce n’est fondamentalement pas sain. » a déclaré Sal Guatieri, économiste principal à la Banque de Montréal.

Pour plusieurs, la capacité inhabituelle du Canada à absorber les immigrants arrive en tête de liste des raisons pour lesquelles le marché du logement ne s’effondre pas et ne s’effondrera pas.

Ces problèmes commencent à provoquer une inquiétude de plus en plus grandissante. Les décideurs canadiens, du premier ministre Justin Trudeau au maire de Toronto, John Tory, ont indiqué qu’ils envisageaient de mettre en place de nouvelles taxes dans le but de rendre les maisons plus abordables. 

Alors, le gouvernement de Justin Trudeau devrait-il prendre des mesures immédiates pour refroidir le marché de l’habitation en surchauffe au pays ?

Les principales banques à charte donnent leurs avis

Les économistes de certaines banques du pays ont commencé à avertir que le marché risque d’être dépassé par une frénésie spéculative si le gouvernement n’agit pas. 

Dans des rapports récents, la Banque Royale du Canada et la Banque de Montréal affirmaient que le marché de l’habitation était en surchauffe et que des mesures immédiates étaient nécessaires.  Les responsables doivent prendre des mesures pour briser la psychologie des consommateurs canadiens qui s’attendent à des gains continus dans l’immobilier. La préoccupation ultime est que l’appréciation rapide des prix pourrait être déstabilisante. L’un des outils les plus controversés que le gouvernement Trudeau pourrait utiliser serait d’imposer durement les gains en capital sur la vente de résidences permanentes.

«De nombreux Canadiens croient que l’environnement politique garantit que la valeur des propriétés augmentera indéfiniment», a déclaré l’économiste de la Banque Royale Robert Hogue dans un rapport du 24 mars . « Les décideurs devraient tout mettre sur la table, y compris les vaches sacrées comme l’exemption de l’impôt sur les gains en capital pour la résidence principale », prévient-il.

Hogue plaide pour une action maintenant pour éviter la possibilité d’une correction douloureuse sur la route et pour arrêter la flambée des évaluations immobilières qui aggrave le fossé entre les riches et les pauvres. Il a également déclaré que le gouvernement fédéral devrait réexaminer les soutiens qu’il accorde à l’accession à la propriété. 

L’économiste principal de BMO, Robert Kavcic, a déclaré que le Canada « joue avec le feu » dans une note publiée en mars dernier. En regardant le pourcentage de revenu nécessaire pour contracter une hypothèque sur les maisons, il ne pense pas que l’an 2017 ait été une bulle. La situation actuelle, elle, se transforme rapidement en une bulle. Si les taux hypothécaires augmentent ou restent au même niveau et que les prix augmentent au rythme actuel, le marché atteindrait des niveaux de bulle classiques.

Le chef de la direction de la Banque Toronto-Dominion, Bharat Masrani, a quant à lui mis en garde contre une précipitation à mettre en œuvre des politiques pour ralentir les récentes hausses rapides des prix des logements au Canada. Il affirmait que de nombreux facteurs qui alimentent la flambée des prix actuelle sont liés à la pandémie et qu’ils pourraient s’atténuer à mesure que la crise s’estompe.

Les hausses des prix des logements sur de nombreux marchés canadiens au cours de la dernière année ont été attisées par les acheteurs qui recherchent plus d’espace pour leurs activités, des politiques de travail à domicile qui permettent aux employés de s’éloigner des grandes villes, les programmes de relance du gouvernement et un manque d’occasions de dépenses qui font que certains Canadiens regorgent d’argent, a déclaré Masrani. 

Bien que le Canada ait connu une inadéquation à long terme entre l’offre et la demande de logements, les décideurs politiques devraient étudier combien de temps les plus récents facteurs de hausse des prix dureront avant de se précipiter vers des solutions pour le marché, a déclaré Masrani, en fin mars 2021.

La Banque de Nouvelle-Écosse, le troisième plus grand prêteur du Canada, est un peu du même avis que la TD. Dans un rapport publié dimanche dernier, elle mettait en garde contre la précipitation pour mettre en œuvre de nouvelles contraintes pour réguler le marché.

L’économiste en chef de la Banque Scotia, Jean-François Perrault, a déclaré que la récente hausse des prix des maisons à l’échelle du pays au cours de l’année écoulée était due à une faible offre qui n’a pas réussi à suivre une demande plus élevée. Une tendance qui pourrait s’inverser par elle-même si de nouveaux vendeurs entrent sur le marché dans les semaines à venir.

«Nous espérons que les inscriptions augmenteront dans les mois à venir, si les verrouillages dus au virus le permettent, cela rétablira un meilleur équilibre entre les ventes et les stocks», a déclaré Perrault dans le rapport . “Si cela ne se produit pas, une certaine forme d’action pourrait être nécessaire.”

Or, dans une  interview avec le Financial Post, le gouverneur Tiff Macklem a affirmé que la situation était inquiétante, mais que la banque centrale ne peut pas faire grand-chose étant donné qu’ il faut des taux d’intérêt bas pour soutenir la reprise économique.

Le gouvernement du premier ministre Justin Trudeau envisagerait d’introduire une taxe pour les propriétaires étrangers non résidents. La ministre des Finances, Chrystia Freeland, a déclaré qu’elle surveillait de près le marché immobilier, sans détailler l’intention spécifique de prendre des mesures supplémentaires.

Le gouvernement fédéral se prépare à annoncer son premier budget en deux ans, le 19 avril prochain, les attentes sont élevées, mais pour l’instant, le gouvernement libéral reste discret sur ce qui peut ou non figurer dans le budget fédéral en matière d’immobilier et de logement.

Annexe et références: 

https://globalnews.ca/news/7718362/housing-market-canada-federal-budget-2021/

https://www.bloomberg.com/news/articles/2021-03-24/canada-s-biggest-bank-says-the-housing-market-is-overheating

https://www.bloomberg.com/news/articles/2021-03-31/bank-of-canada-governor-sees-worrying-signs-in-housing-market

https://www.bloomberg.com/news/articles/2021-03-15/the-housing-sales-boom-that-never-ends-already-wiped-out-all-the-short-sellers

https://www.linkedin.com/pulse/classement-des-banques-canadiennes-2018-jasmin-labrie/?originalSubdomain=fr

BANQUES CANADIENNES – 2018

N#1 – BANQUE ROYALE DU CANADA (RBC)

Année de création : 1864

Capitalisation Boursière : 143 716 118 225 $

Chiffre d’affaires annuel : 42.6 G$

Bénéfice net : 12.4 G$

Total des actifs : 1.3 Billion

Nombre de clients : 16 millions de clients

Nombre d’employés : Plus de 84 000 employés

Salaires et avantages du personnel : 13.8 G$

Impôt : 5.0 G$

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N.#2 – BANQUE TORONTO-DOMINION (TD)

Année de création : 1855

Capitalisation Boursière : 135 434 993 061 $

Chiffre d’affaires annuel : 38.8 G$

Bénéfice net : 11.3 G$

Total des actifs : 1.3 Billion

Nombre de clients : 25 millions de clients

Nombre d’employés : Plus de 85 000 employés

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N.#3 – BANQUE SCOTIA 

Année de création : 1832

Capitalisation Boursière : 90 580 747 879 $

Chiffre d’affaires annuel : 29 G$

Bénéfice net : 9.1 G$

Total des actifs : 998 G$

Nombre de clients : 26 millions de clients

Nombre d’employés : Plus de 97 000 employés

Impôt : 3.7 G$

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N.#4 – BANQUE DE MONTRÉAL (BMO) 

Année de création : 1817

Capitalisation Boursière : 61 337 284 223 $

Chiffre d’affaires annuel : 21.6 G$

Bénéfice net : 5.9 G$

Total des actifs : 774 G$

Nombre de clients : 12 millions de clients

Nombre d’employés : Plus de 45 200 employés