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L’investissement immobilier, véhicule d’injustices sociales?

29 janvier, 2021   |   Par Félix Blanc

J’aime bien dire en blague que les marxistes et les investisseurs immobiliers partagent en fait un même objectif. Tous deux partagent le désir de s’émanciper le plus possible de l’obligation de travailler. Les marxistes aimeraient notamment se voir réapproprier les moyens de production, afin d’en générer des biens et services pour lesquels ils n’auraient pas à travailler, alors que les investisseurs immobiliers aspirent à mettre sur pieds des systèmes qui pourront, un jour, générer de la valeur sans pour autant qu’ils n’aillent à travailler activement pour ce faire. Dans les deux cas, on dira bien ce qu’on veut : l’objectif est ambitieux! Pour y parvenir, les marxistes devront faire la révolution, tandis que la majorité des investisseurs immobiliers auront à travailler d’arrache-pied pour bâtir un parc locatif.

Puisque l’allégeance politique constitue un type de pré-blocage au fait de devenir investisseur immobilier, j’aimerais aujourd’hui dédier cet article un peu plus philosophique qu’à mon habitude, à tous ceux qui se considèrent trop de gauche pour devenir investisseurs immobiliers. Je mettrai d’abord en lumière différentes perspectives, de la gauche à la droite politique, sur les concepts de succès et de valeur, afin de démontrer qu’ils sont épistémologiquement équivalents, quoi qu’inégaux d’un point de vue pragmatiste. Au regard de ces conclusions, j’aimerais terminer en expliquant pourquoi je pense que la voie de l’investissement immobilier, en plus d’être une voie un peu plus efficace que la révolution marxiste afin d’atteindre la liberté financière, ne devrait pas être vu comme une pratique fondamentalement injuste sur le plan social, bien au contraire.

Le succès

Pour la droite, le succès dépend de la volonté. Si vous échouez, c’est simplement que vous n’avez pas voulu suffisamment. Chaque personne est maitresse de son destin et c’est donc de sa responsabilité de se prendre en main. Blâmer le système, sa famille, son époque, son compte de banque, sa condition physique, c’est simplement une manière de se déresponsabiliser. Pour les détracteurs de la droite, il est souhaitable que certaines positions sociales soient plus souhaitables que d’autres puisqu’au fond, tout le monde est en moyen de se positionner comme il le souhaite, s’il travaille pour, dans le système.

Pour la gauche, le succès dépend de la contingence. Si vous échouez, c’est que vous n’avez pas eu la chance de réussir. Si le système avait été plus égalitaire, si votre famille avait été plus équilibrée, si votre époque avait été plus riche en opportunité, si votre compte de banque avait été mieux garni, si vous n’aviez pas eu ces soucis de santé, peut-être auriez-vous pu avoir du succès vous aussi. Mais fondamentalement, si vous aviez eu du succès, c’est que vous auriez été privilégié. Or, les privilégiés sont privilégiés du fait qu’ils profitent des plus démunis. Il n’y a donc aucun mérite à avoir du succès financier, au contraire, ça correspond généralement au fait de profiter de ceux qui sont dans le besoin. Ce qui nous amène au point suivant.

La valeur

Vous remarquerez que lorsque certains parleront de « création de valeur pour autrui », d’autres entendront « profiter des besoins d’autrui ». Un investisseur qui optimise un immeuble, sera parfois quelqu’un qui ajoute de la valeur à un immeuble, ou pour d’autres, quelqu’un qui profite du besoin de se loger dans de bonnes conditions. Dans les faits, je pense que c’est important de garder en tête que valeur et besoin sont deux faces d’une même pièce. On ne crée jamais de valeur sans répondre à un besoin et on ne répond jamais à un besoin sans apporter de valeur.

Peu importe comment on voit les choses, il est intéressant de remarquer que ceux qui parlent avant tout de besoin parleront aussi généralement de droit à satisfaire ce besoin. Car puisque le besoin est subit passivement par celui qui le ressent, il semble injuste que ce soit au malheureux de s’en défaire. Au contraire, lorsqu’on voit plutôt la valeur dans les produits et services, on comprend mal ce qui justifie qu’une personne puisse exiger gratuitement quelque chose qui ne lui appartient pas, alors que plusieurs autres personnes sont prêtes à en payer le prix.

Qui dit vrai ?

La beauté de la chose, c’est que d’un point de vue épistémologique, les deux paradigmes s’équivalent et d’ailleurs autrement le sujet serait clos depuis longtemps. Chaque position est défendable, et il y aura toujours, d’une époque à l’autre, des acteurs pour porter le masque de la gauche et de la droite.

À mon sens, la véritable question n’est donc pas tant de savoir qui dit vrai, mais plus concrètement : à qui bénéficie le mieux sa vision du monde ? Car si l’objectif est notamment de se décharger autant que possible du travail actif, il va sans dire qu’il sera plus efficacement atteint en abordant le monde tout en aspirant au succès et à la création de valeur, qu’en critiquant les inégalités et en reprochant que l’on s’enrichisse en profitant du besoin des gens. Le simple jugement de la gauche vis-à-vis de ce qui lui répugne ne changera pas ce qui lui répugne. Le jugement et le refoulement social contribue surtout à cliver les différents clans, de sorte que leurs rapports s’opèrent de manière hétérogène, tandis que tous se côtoient sans se comprendre ni se convaincre. 

L’égalité

Mais bon, bien sûr, je vous entends, je sais ce que vous vous dites : je ne comprends rien à la véritable mission du marxisme, l’idéal marxiste n’est pas un simple objectif personnel d’indépendance financière, c’est un idéal social d’égalité. L’idéal marxiste se distingue de l’idéal capitaliste, notamment en ceci qu’il ne suppose pas de rapport d’inégalité sociale, comme nous pourrions en souligner un entre locataires, qui devront travailler activement pour payer leurs loyers, et propriétaires, qui pourront, en fin de carrière, se contenter de récolter passivement les fruits de leur labeur (ou du moins ce qu’il en reste, après en avoir redonné 50% au gouvernement).

Mais n’y aurait-il pas d’inégalité sociale équivalente dans un monde où tous seraient récompensés identiquement, indépendamment du risque encouru, de l’expertise, du mérite, etc. ? L’égalité absolue n’est-elle pas proprement anti-égalitaire ? À mon sens, l’égalité, la vraie, c’est l’égalité pour tous et chacun d’avoir sa chance. Car par ailleurs, si l’on sonde le fond de la pensée du commun des mortels, ce n’est pas tant l’inégalité comme telle qui dérange, mais bien le fait d’être condamné à y perdre au change pour toujours. Ce que l’on souhaite, ce n’est pas véritablement une abolition des différences sociales, c’est plus précisément la mobilité sociale. Or, l’investissement immobilier est un outil d’ascension sociale qui connait peu d’équivalent, et qui tend à se démocratiser de plus en plus. C’est d’ailleurs en ce sens que la mission de la MREX prend forme. Démocratiser le savoir et la technologie : permettre, à celui ou celle qui le souhaite, d’avoir sa chance.