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Une voie plus douce pour la hausse des taux insinuée par Tiff Macklem

15 février, 2022   |   Par Kadiatou Bah

Le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, a déclaré que la peur actuelle de l’inflation était principalement un problème d’offre. S’il a raison, le chemin de la banque centrale vers des taux d’intérêt plus élevés pourrait ne pas être aussi raide que certains le pensent actuellement.

Les plus récentes perspectives économiques de la Banque du Canada font état d’une hausse d’une année à l’autre de l’indice des prix à la consommation de 5,1 % en moyenne ce trimestre, bien au-delà de la zone de confort des décideurs d’un pour cent à trois pour cent.

L’inflation à ce rythme ne laisse guère d’autre choix à la banque centrale que de relever les taux d’intérêt. Les ordres de marche de la banque centrale venant du gouvernement lui demandent de maintenir l’indice des prix à la consommation à un taux annuel d’environ 2%, soit le point médian de cette zone cible. Les prévisionnistes de la Banque de Nouvelle-Écosse prévoient qu’il faudra relever le taux d’intérêt de référence à deux pour cent d’ici la fin de l’année. Le taux est actuellement à un niveau d’urgence de 0,25 %, soit aussi près de zéro qu’il peut l’être sans contester indûment les marchés financiers.

L’économie en bonne posture

L’économie canadienne n’a plus besoin de mesures de relance d’urgence. L’emploi est revenu à ce qu’il aurait été si la récession liée à la COVID n’avait pas interrompu les tendances à l’embauche à la fin de l’année dernière et si le produit intérieur brut était revenu aux niveaux d’avant la pandémie. Avec l’économie en cure, les décideurs politiques ont tourné leur attention vers l’inflation lors de leurs dernières réunions sur les taux d’intérêt, choisissant de mettre fin à une promesse de maintenir les coûts d’emprunt près de zéro au moins jusqu’au printemps. Macklem a laissé peu de doute sur le fait que lui et ses adjoints augmenteront le taux de référence le 2 mars, la prochaine annonce de taux d’intérêt prévue.

« L’économie aura besoin de taux d’intérêt plus élevés pour modérer la croissance des dépenses et aligner la demande sur l’offre », a déclaré Mackelm dans un discours prononcé lors d’une conférence organisée par la Chambre de commerce du Canada le mercredi 9 février. « Nous avons également convenu que nous devons maintenir les anticipations d’inflation bien ancrées », a-t-il dit. « Si les attentes d’inflation ne s’alignent pas, les coûts du retour de l’inflation à la cible seront beaucoup plus élevés. Pour ces deux raisons, nous avons signalé avec une clarté inhabituelle que les Canadiens devraient s’attendre à une hausse des taux d’intérêt. » a-t-il martelé.

Une clarté inhabituelle n’est pas une clarté parfaite. A la lecture de ses précédentes déclarations, le constat est que Macklem a résisté à en dire trop sur la vitesse à laquelle il augmentera les taux d’intérêt et à quel niveau il pourrait s’arrêter. Il a indiqué lors d’une conférence de presse le 26 janvier qu’il serait raisonnable de s’attendre à un rythme rapide d’augmentations au début, étant donné que le taux de référence est essentiellement proche de zéro contre 1,75% au début de la pandémie. Mais Macklem a mis en garde contre le fait de penser que la banque centrale sera en pilote automatique. Il a dit que lui et ses adjoints pourraient choisir de faire une pause à mesure qu’ils se rapprocheront de deux pour cent d’inflation.

L’inflation concerne principalement l’offre

Quelque chose que Macklem a dit plus tôt dans son discours pourrait faire la lumière sur la façon dont les décideurs politiques pensent à l’inflation.

Au début de l’année dernière, les banquiers centraux ont insisté sur le fait que l’inflation serait temporaire, arguant que les pénuries aiguës d’approvisionnement seraient résolues dès que des cadres intelligents et des experts en logistique auraient compris comment naviguer dans les goulots d’étranglement de l’offre. Cela ne s’est pas produit et, à la fin de l’année, des décideurs politiques tels que Macklem et Powell ont concédé qu’ils avaient un problème. La Banque du Canada, la Réserve fédérale aux États-Unis et d’autres banques centrales ont toutes commencé à augmenter les taux d’intérêt ou à avancer des plans en ce sens.

Mais Macklem n’a cessé de penser que l’inflation est avant tout un phénomène d’offre. C’est important parce que des taux d’intérêt plus élevés ne peuvent pas faire grand-chose contre l’inflation qui est tirée par les ports congestionnés, les usines asiatiques qui ferment à cause des épidémies de COVID et les sécheresses provoquées par le changement climatique. Macklem a tenu à repousser les arguments selon lesquels ses politiques et ses mesures de relance budgétaire étaient la principale source d’inflation.

« Ce n’est pas le résultat d’une demande excédentaire généralisée dans l’économie canadienne », a déclaré M. Macklem. « Notre économie ne fait que revenir à sa pleine capacité. », a-t-il affirmé. 

La Banque du Canada exerce une influence sur la demande. Macklem semble penser que la demande n’est pas le problème. Si l’offre revient à la normale, la voie vers des taux d’intérêt plus élevés pourrait être plus plate.