Nikolaï Ray, Président au Collège MREX
Nikolaï Ray est Président du Collège MREX et d’Ikigai Impact. Expert reconnu en immobilier multilogement, il consacre sa carrière à démocratiser l’investissement immobilier et à démontrer comment celui-ci peut devenir un véritable vecteur d’impact social positif.
Au Collège MREX, il a popularisé l’ingénierie financière appliquée au multilogement et formé des milliers d’investisseurs à travers le Québec. Avant de fonder le Collège, il a cofondé la firme Ray Harvey, où il a analysé plus de 10 milliards $ en transactions, accompagné des investisseurs dans des acquisitions et ventes totalisant des centaines de millions, et publié le réputé Rapport Ray Harvey. Aujourd’hui, Ikigai Impact approche les 100 M$ en actifs sous gestion et poursuit une mission claire : faire de l’habitation une source de fierté collective. À travers ses projets, Nikolaï allie rendement durable et engagement communautaire, convaincu que le développement immobilier peut, et doit améliorer la qualité de vie des générations présentes et futures.
Retour sur 2025
L’année 2025 aura été une année charnière pour l’investissement immobilier au Québec. Pas spectaculaire. Pas euphorique. Mais profondément révélatrice. Une année où plusieurs récits se sont fissurés, où certaines certitudes ont dû être réexaminées, et où les investisseurs sérieux ont été forcés de revenir aux fondamentaux, loin des slogans et des raccourcis.
Depuis quelques années, nous parlions de crise du logement. En 2025, cette crise a changé de nature. Elle ne s’est pas résorbée, mais elle s’est déplacée. Nous sommes passés d’un problème d’offre brute à une crise d’abordabilité. Le logement existe, mais il devient trop souvent inaccessible pour une part croissante de la population. Cette nuance explique beaucoup de choses. Elle explique pourquoi plusieurs projets neufs, souvent bien construits, bien localisés, mais trop haut de gamme par rapport au revenu médian local, ont éprouvé de réelles difficultés à se louer. Elle explique aussi le retour d’un phénomène que plusieurs croyaient relégué au passé dans certains marchés urbains, soit les mois gratuits, les incitatifs à la location et une compétition accrue entre propriétaires pour attirer le locataire solvable.
Ce réajustement du marché locatif a rappelé une vérité que l’expérience finit toujours par imposer. Le marché ne récompense pas l’effort ni l’idéologie. Il récompense l’adéquation entre le produit et la capacité réelle de payer. Construire plus ne suffit pas. Il faut construire juste.
Sur le plan du financement, 2025 a été marquée par une volatilité encore présente, mais clairement en voie de normalisation. Les taux obligataires, tant le Canada cinq ans que les CMB, ont continué de fluctuer, mais dans des amplitudes plus contenues que celles observées en 2022 et 2023. Les baisses successives de la Banque du Canada ont envoyé un signal important. Non pas celui d’un retour à l’argent facile, mais celui d’un passage vers un régime de taux plus stable, plus lisible, après un cycle de resserrement brutal. Le message était clair pour les investisseurs. Le monde d’avant ne reviendra pas, mais l’incertitude extrême recule.
Dans ce contexte, les politiques fédérales ont continué d’évoluer. Build Canada Homes s’inscrit dans une volonté assumée de soutenir l’offre résidentielle, tout comme le retour explicite à des mécanismes d’achats d’obligations et de stimulation monétaire. Certains y voient une réponse nécessaire à une crise structurelle. D’autres y voient un pansement monétaire. Pour l’investisseur, l’enjeu n’est pas tant idéologique que stratégique. Ces interventions influencent le coût du capital, la concurrence institutionnelle et la dynamique de long terme des actifs résidentiels.
Du côté de la SCHL, 2025 a aussi été marquée par un durcissement tangible. Les délais ont persisté. Les ajustements aux programmes, notamment APH Sélect et les exigences liées à l’efficacité énergétique, ont continué de créer de l’incertitude dans les calendriers de projets. À cela s’est ajoutée une augmentation des primes d’assurance, venue rappeler que le financement assuré n’est pas un droit acquis, mais un outil conditionnel. Les exigences accrues en matière de liquidités, de cautions personnelles et de valeurs nettes ont favorisé les joueurs mieux capitalisés, plus structurés, et mieux gouvernés. Cette évolution, bien que contraignante à court terme, contribue à professionnaliser l’industrie.
Parallèlement, les prêteurs dits B ont consolidé leur rôle central. Des acteurs comme Banque Équitable, Peakhill, Timbercreek et d’autres ont comblé un vide laissé par le recul marqué du financement bancaire conventionnel non assuré. Le coût du capital y est plus élevé, mais l’exécution est souvent plus rapide, plus pragmatique et mieux adaptée aux réalités actuelles des projets multirésidentiels et mixtes. Le financement n’est plus seulement une question de taux. C’est une question de structure, de crédibilité et de capacité d’exécution.
Sur le plan macroéconomique, deux autres éléments ont marqué l’année. D’abord, l’inflation s’est enfin calmée, redonnant un peu d’oxygène aux modèles financiers et aux coûts d’exploitation. Ensuite, l’immigration a connu un ralentissement significatif. Cette baisse a temporairement réduit la pression sur certains marchés locatifs, sans pour autant régler les déséquilibres structurels. Elle a surtout rappelé à quel point l’offre et la demande en immobilier sont sensibles aux décisions politiques et aux cycles démographiques.
Le marché transactionnel, quant à lui, s’est montré étonnamment résilient. L’appétit des investisseurs est demeuré bien présent, mais sous une forme plus mature. Moins spéculative. Plus sélective. Les actifs bien situés, bien gérés, avec un potentiel opérationnel réel, ont continué de transiger. L’économie et le marché de l’emploi sont restés mitigés. Pas en crise ouverte, mais suffisamment fragiles pour imposer de la prudence dans les hypothèses et un retour à la discipline.
Enfin, 2025 aura aussi été marquée par un changement de ton politique dans plusieurs villes du Québec. À Montréal, à Sherbrooke et ailleurs, on a vu émerger une approche municipale plus pragmatique, moins idéologique, moins interventionniste. Le départ ou l’affaiblissement de certains courants politiques très dogmatiques a permis de réduire des blocages qui paralysaient l’offre, les mises en chantier et la densification intelligente. Ce virage, encore fragile, mais réel, ouvre la porte à une collaboration plus constructive entre le public et le privé, condition essentielle pour répondre à la crise d’abordabilité.
Pour l’investisseur immobilier multirésidentiel et commercial, 2025 aura été une année de lucidité. Une année où il est devenu évident que le levier n’est pas une stratégie, que le financement doit être mérité, que la réglementation est mouvante, et que la création de valeur repose de plus en plus sur l’exécution, la gestion fine et la compréhension humaine du marché.
Au Collège MREX, nous voyons ces cycles comme des filtres naturels. Ils séparent ceux qui investissent par conviction de ceux qui investissent par mimétisme. Ils rappellent que l’immobilier est un métier avant d’être un placement. Et que, dans un environnement plus complexe, plus contraint et plus exigeant, la connaissance, la rigueur et le discernement deviennent des avantages compétitifs durables.
Si 2025 nous a appris une chose, c’est que l’immobilier n’est jamais mort. Il se transforme. Et ceux qui prennent le temps de le comprendre, plutôt que de le subir ou de le politiser, seront encore là pour bâtir la suite.





