La Banque du Canada a déjoué les attentes du marché en relevant son taux directeur d’un pour cent entraînant ainsi l’augmentation des taux la plus élevée depuis 1998.
Le gouverneur Tiff Macklem a relevé le taux directeur de la banque centrale à 2,5 % dans une décision annoncée mercredi à Ottawa et a mis en garde contre d’autres hausses à venir. Le mouvement de 100 points de base est la plus forte hausse depuis 1998. Les marchés et les économistes anticipaient plus une hausse de 75 points de base à l’instar de la décision précédente de la Fed.
Inflation et salaire en cause
La secousse à l’annonce de la politique monétaire inattendue illustre à quel point les responsables sont effrayés par la montée en flèche de l’inflation. Ils ont donc choisi de prendre des mesures décisives même au risque de causer de graves difficultés économiques. Les décideurs ont évoqué des inquiétudes selon lesquelles, l’inflation persistante crée un cercle vicieux de gains en salaire et d’augmentations de prix difficile à maîtriser.
« Avec une économie clairement en demande excédentaire, une inflation élevée et en expansion, en plus d’un nombre grandissant d’entreprises et de consommateurs qui s’attend à ce qu’une inflation élevée persiste plus longtemps, le Conseil des gouverneurs a décidé de prévenir avec la voie vers des taux d’intérêt plus élevés », ont affirmé des responsables dans l’énoncé de politique.
À la suite de l’annonce, le dollar canadien a grimpé en flèche, augmentant de plus de 0,5 % pour s’établir à 1,295 $ CA par dollar américain. Les rendements des obligations d’État à deux ans ont bondi d’environ 10 points de base à 3,31 %.
Les investisseurs ont multiplié les paris selon lesquels cette hausse signifiera également que les taux plafonneront plus haut que prévu. Les swaps de taux d’intérêt au jour le jour suggèrent que la Banque du Canada augmentera l’indice de référence à 3,75% d’ici la fin de l’année, contre 3,5% avant la décision.
Saut conséquent
Néanmoins, les décideurs politiques indiquent qu’ils pensent pouvoir limiter les dommages économiques à long terme en réduisant la nécessité de poursuivre l’escalade des attentes d’inflation à l’avenir.
Dans sa déclaration aux journalistes lors d’une conférence de presse, Macklem a déclaré que l’objectif était de parvenir à un atterrissage en douceur.
« En activant les hausses de taux d’intérêt maintenant, nous essayons d’éviter d’avoir des taux toujours plus élevés à l’avenir », a-t-il déclaré.
« Cela plaide pour que notre taux directeur atteigne rapidement le haut niveau », a déclaré Macklem, ajoutant qu’il pense que ce niveau sera « légèrement » au-dessus de la fourchette neutre, que la banque centrale estime entre 2% et 3%. Par neutre, on fait référence à un cadre politique où les coûts d’emprunt ne sont ni stimulants ni contraignants.
Mark Carpani, chef des titres à revenu fixe chez Ridgewood Capital Asset Management Inc. à Toronto, a déclaré par courriel que la décision de Macklem était « audacieuse et correspondait au bon choix ». Il a ajouté qu’il était « impressionné qu’ils soient allés au-delà des attentes du marché ».
Pour expliquer cette hausse agressive, les décideurs ont cité une économie « clairement en demande excédentaire », des gains de prix à la consommation élevés et croissants et des attentes d’inflation croissantes. Les responsables ont déclaré qu’ils s’attendaient à continuer à relever les taux et qu’ils seraient « résolus » à ramener l’inflation à la cible.
Contexte économique
L’augmentation de 100 points de base de la Banque du Canada fait suite à des hausses consécutives d’un demi-point de pourcentage en avril et en juin, ce qui fait de l’effort de resserrement actuel l’un des plus agressifs de tous les temps. Macklem est également l’un des plus bellicistes parmi ses pairs. Il œuvre dans un monde où un certain nombre de banques centrales se tournent vers des chemins de randonnée plus agressifs alors que les pressions inflationnistes continuent de surprendre.
La Réserve fédérale a annoncé une hausse de 75 points de base le mois dernier et s’apprête à enregistrer une autre forte hausse plus tard ce mois-ci après que le département du Travail a annoncé plus tôt mercredi que l’inflation américaine a connu une accélération à 9,1 % en juin.
La hausse des taux et l’inflation américaine « étaient comme un double espresso ce matin », a déclaré mercredi Earl Davis, chef des marchés obligataires et monétaires chez BMO Gestion mondiale d’actifs.
Dans le rapport sur la politique monétaire, les responsables de la Banque du Canada ont de nouveau relevé leurs prévisions d’inflation à court terme, celles-ci prévoient que les pressions sur les prix se situeront autour de 8 % au trimestre en cours. L’inflation tombera à 7,5 % d’ici la fin de l’année et ne reviendra pas à la cible de 2 % avant la fin de 2024.
Les décideurs ont également réduit leurs perspectives pour l’économie canadienne. Ils prévoient maintenant une croissance du produit intérieur brut de 3,5 % cette année et de 1,8 % en 2023, contre 4,2 % et 3,2 % initialement. Notons que la croissance mondiale se modère et que le resserrement de la politique monétaire a une incidence sur l’activité économique.
La banque a ajouté l’analyse d’un nouveau scénario de risque, dans lequel on peut voir qu’une « hausse des salaires et une spirale des prix qui se renforcent d’elles-mêmes » pourraient se succéder. En présentant ce scénario, la banque affirme qu’il deviendra plus probable, si l’inflation reste « bien au-dessus » de leur objectif de 2%.
Dans une annexe au rapport, la banque a reconnu des erreurs dans la prévision de l’inflation au cours de la dernière année. Elle a principalement imputé les erreurs à des facteurs dans l’environnement mondial, mais a également cité les coûts du logement au pays.
La banque a déclaré que l’activité immobilière s’était déjà considérablement affaiblie par rapport à ce qu’elle a décrit comme un « rythme insoutenable » pendant la pandémie. Elle s’attend à ce que les transactions immobilières et les prix diminuent en 2023 à mesure que les taux augmentent.