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Le choc des taux peut faire mal au Canada

19 octobre, 2022   |   Par Kadiatou Bah

Comparativement aux États-Unis, l’économie canadienne est beaucoup plus exposée à la fois à l’activité immobilière et aux hausses des taux d’intérêt.

La flambée des taux hypothécaires a en quelque sorte gelé le marché immobilier américain, car les acheteurs potentiels sont confrontés à un choc d’accessibilité record. Cependant, il y a des raisons de penser que l’effet sur les prix réels et l’activité économique globale sera limité chez nos voisins.

Pour l’instant, il y a peu de ventes forcées, et comme tant de propriétaires américains ont des hypothèques fixes de 30 ans, l’impact des taux plus élevés n’est pas ressenti directement par la plupart des ménages.

 Le cas du Canada pourrait être tout autre

Dans une nouvelle note, David Doyle et Neil Shankar de Macquarie Capital Markets Canada affirment que le Canada sera confronté à une récession plus grave, avec une économie beaucoup plus exposée à la faiblesse du secteur immobilier.

D’une part, le Canada, contrairement aux États-Unis, a connu une forte augmentation des prêts hypothécaires à taux variable, selon leurs recherches. Tout comme au Royaume-Uni, ils s’attendent à ce que cette réinitialisation entraîne un coup dur pour les bilans des ménages.

D’autre part, l’économie canadienne est plus directement exposée à l’immobilier et à la finance que celle des États-Unis.

Doyle et Shanker prévoient une contraction du PIB réel de 3 % en 2023 et une augmentation de 5 % du taux de chômage.

Pour sa part le Fonds monétaire international a revu à la baisse ses prévisions de croissance économique en août et les perspectives étaient pire la semaine dernière lors de la mise à jour de celles-ci.

Oxford Economics estime que le FMI sous-estime l’impact que la hausse des taux d’intérêt et la perte de richesse due à la chute des prix des actifs et des maisons auront sur les économies avancées.

« Le FMI estime que la croissance mondiale en 2023 sera similaire à celle de 2019, donc faible, mais pas catastrophique et qu’une récession mondiale sera probablement évitée. En revanche, nos prévisions sont beaucoup plus faibles et nous pensons que l’économie mondiale est au bord de la récession », a écrit Ben May, directeur de la recherche macroéconomique mondiale d’Oxford Economics, dans une note publiée jeudi.

Selon les prévisions d’Oxford, l’économie canadienne devrait s’enfoncer encore plus dans le rouge que celles des États-Unis ou du Royaume-Uni.

En revanche, le FMI prévoit que le PIB du Canada augmentera de 1,5 % en 2023.

Immobilier et Récession

La plupart des économistes conviennent que le talon d’Achille du Canada est son marché du logement.

Bien qu’il soit peu probable que le Canada subisse les turbulences financières qui sévissent actuellement au Royaume-Uni, la leçon importante de ce scénario est « lorsque les taux d’intérêt augmentent rapidement à des niveaux jamais vus depuis une décennie, les choses peuvent se briser », a déclaré Paul Ashworth, économiste en chef pour l’Amérique du Nord chez Capital Economics.

Dans le cas du Canada, le plus grand risque est toujours celui qui se cache à la vue de tous, la flambée massive des prix de l’immobilier qui dure depuis une décennie et la flambée de l’endettement des ménages qui l’accompagne.

La baisse des prix des maisons a jusqu’à présent été ordonnée, mais Ashworth dit qu’il n’y a aucune garantie qu’elle le restera.

« Les grands risques sont toujours que des boucles de rétroaction négatives se développent soit entre le logement et l’économie réelle, alors qu’une récession fait grimper le taux de chômage, déclenchant une augmentation des défauts de paiement sur les prêts hypothécaires, soit entre le logement et le système financier avec la baisse des prix de l’immobilier entraînant des pertes à prêteurs hypothécaires, ce qui entraînera un resserrement des conditions de crédit », a-t-il déclaré.

Les économistes de Macquarie Capital Markets affirment que les vents contraires pour le logement gagneront en force en 2023 alors que l’impact de la hausse des hypothèques à taux variable et à taux fixe atteindra un sommet.

« La faiblesse du logement a toujours conduit à des récessions, et malgré une forte baisse au deuxième trimestre, l’investissement résidentiel au Canada représente toujours un pourcentage élevé du PIB soit 8,7% », ont-ils déclaré.

« Nous nous attendons à ce que le Canada subisse une récession plus grave que les États-Unis en 2023 », ont écrit les économistes David Doyle et Neil Shankar.

Pourtant, ce sont des eaux inexplorées pour les économistes et les décideurs politiques, comme le reconnaît Oxford, dont les prévisions sont non seulement inférieures à celles du FMI mais aussi à celles du consensus dans le marché.

« Bien qu’il existe un accord général sur la nature des chocs qui frappent les économies, il existe une incertitude considérable quant à la mesure dans laquelle la croissance économique ralentira en réponse », a écrit May.