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Les Canadiens constituent la plus grande source de blanchiment d’argent dans l’immobilier au Canada

25 août, 2021   |   Par Kadiatou Bah

Les Canadiens ont une réputation mondiale en matière d’immobilier et même de blanchiment d’argent. Pas seulement lorsqu’il s’agit de blanchir des capitaux étrangers, mais aussi des capitaux nationaux. C’est le résultat des données partagées par Global Financial Integrity (GFI). L’organisation anticorruption basée à Washington, DC, a découvert d’importantes sommes d’argent blanchies par le biais de l’immobilier. Ils n’ont vraiment fait qu’effleurer la surface des chiffres, mais c’est déjà assez accablant.

À propos de l’étude

L’étude s’est penchée sur des cas de blanchiment d’argent par le biais de l’immobilier dans l’actualité. L’échantillon d’informations a ensuite été utilisé pour comptabiliser le montant du blanchiment par le biais de l’immobilier. Les chercheurs ont également examiné la source des fonds et la méthode utilisée pour les dissimuler. Cela fait un nombre énorme, mais toute l’histoire n’est pas contée.

L’échantillonnage est une méthode courante et fréquemment utilisée par les statisticiens pour projeter les tendances. Un exemple de ceci serait les statistiques du chômage, qui sont utilisées dans le monde entier. Cela donne une bonne image des choses, mais pas l’image entière. Dans ce cas, les données peuvent fausser l’origine de l’argent, car elles ne concernent que les cas dignes d’intérêt. Cependant, des données partielles sont un bon point de départ pour explorer ce qui pourrait être une tendance beaucoup plus profonde.

Le Canada a trouvé près d’un milliard de biens immobiliers blanchis

Récemment, des Canadiens ont été surpris en train de blanchir près d’un milliard de biens immobiliers. De 2015 à 2020, les nouvelles ont publié des articles sur 626,3 millions de dollars américains (822,7 millions de dollars canadiens) de biens immobiliers achetés avec de l’argent blanchi. Plus de 88 % de celui-ci était de l’immobilier résidentiel. C’est une grosse somme d’argent, mais voici la partie choquante: seuls 35 cas ont été examinés ici et représentent en moyenne 17 millions de dollars par cas.

Plus d’un sur dix d’entre eux n’aurait jamais dû être en mesure de blanchir un seul huard. L’étude révèle que ces personnes répondaient aux critères de personnes politiquement exposées (PPE). Ce sont des gens qui ont des rôles de premier plan dans les gouvernements étrangers. Le Groupe d’action financière (GAFI) prévient que les PPE représentent un risque élevé de blanchiment. Ils devraient donc être soumis à un niveau de contrôle plus élevé. D’une certaine manière, ce niveau de contrôle plus élevé ne signifie pas grand-chose au Canada. Une PPE a par exemple blanchi 8,6 millions de dollars avant d’être arrêtée. Un peu plus élevé que le seuil de 10 000 $ qui est censé déclencher plus de questions. 

La source des fonds pour le blanchiment d’argent avec l’immobilier était le plus souvent le Canada

Le Canada est le pays d’où proviennent la plupart des fonds blanchis. L’étude a révélé que 48,6 % des cas impliquaient le blanchiment de fonds de source canadienne donc, sévir à la frontière semble ne pas suffire.

La plus grande source internationale était la Chine, représentant 22,9 % des cas, soit environ la moitié du blanchiment d’origine canadienne. Les États-Unis étaient troisièmes avec 11,4 %, soit la moitié de la taille de la Chine. Tout en gardant à l’esprit que dans le contexte de l’étude, les données proviennent des principaux cas où des personnes ont été arrêtées.

Biens immobiliers canadiens blanchis par des sociétés anonymes et des hypothèques

Les stratégies utilisées révèlent qu’il est vraiment difficile de sévir contre ce genre de chose. La majorité du blanchiment d’argent se fait à travers des structures d’entreprise, utilisées dans 51,4% des cas. Le traitement par des tiers (45,7% des cas) et les montages hypothécaires (34,3%) complètent le trio de tête. La quatrième stratégie est une activité en plein essor, les prêts privés (17,1 %). À un moment donné, un dollar sur dix utilisé pour acheter un condo dans le Grand Toronto provenait de prêteurs privés. 

Le constat général est que le Canada ne suit pas les propriétaires bénéficiaires des entreprises, il ne sait donc pas à qui elles appartiennent. Les autorités ne pourraient pas les retracer s’ils essayaient, puisque l’information n’a jamais été recueillie. Ils ne suivent que les administrateurs, qui peuvent ou non être impliqués directement dans l’entreprise. 

Les prêts hypothécaires privés ne sont pas non plus soumis aux règles de lutte contre le blanchiment d’argent. Le prêteur non réglementé n’est pas tenu d’identifier la personne au-delà de ses propres politiques pour éviter de perdre de l’argent. Cela implique généralement de s’assurer qu’ils disposent de suffisamment de fonds propres pour couvrir les pertes en cas de défaut. Certains prêteurs sont meilleurs que d’autres, mais strictement en raison de leurs propres politiques et non de la réglementation. 

Un nombre choquant d’entreprises utilisent des prêteurs privés pour acheter des maisons.  Des milliards de transactions ont été trouvés dans la seule région du Grand Toronto. Pour résumer, le Canada ne sait pas qui a acheté des milliards de maisons ou qui a emprunté l’argent pour financer les achats. C’est un excellent système, sans défaut. 

D’autres méthodes intéressantes citées dans le rapport semblent également être très peu réglementées. Des rénovations ont été utilisées dans 5,7 % des cas, où le coût est souvent gonflé. C’est une méthode courante dans les kleptocraties, usant généralement des projets gouvernementaux. Des programmes de crédit-bail (5,7 %), des programmes d’immigrants investisseurs (2,9 %) et une surévaluation (2,9 %) ont également été constatés. Ce sont toutes des méthodes extrêmement difficiles à réprimer. Ces méthodes sont également plus difficiles à identifier sur des marchés où les prix augmentent constamment. Bien que ces programmes puissent ironiquement aussi accélérer la croissance des prix des maisons elle-même. Cela dépend de la quantité d’aveuglement volontaire qui existe.

L’étude sous-estime grandement le problème de blanchiment au Canada

L’étude met en évidence des trous béants dans le système et une activité importante, mais ne fait qu’effleurer la surface. Ne vous contentez pas de regarder ce nombre et de penser : « oh, c’est une goutte dans le vase compte tenu de toutes les activités. » Encore une fois, les chercheurs n’ont mesuré que les cas où le problème a été identifié et suffisamment important pour faire l’actualité. Les zones sans application, en raison d’un manque de ressources ou de désir, ne sont pas capturées.

Par exemple, le Canada est connu pour blanchir de l’argent provenant de pays ayant des contrôles sur les exportations de capitaux. Des endroits comme la Chine, l’Iran et dans une moindre mesure l’Inde sont quelques-uns des plus importants. Afin de transférer de l’argent au-delà des contrôles de capitaux, il doit être blanchi dans le pays. Il existe même des preuves que les banques canadiennes contribuent à ce processus en fermant les yeux sur les revenus ou les transferts. 

Il est important de préciser que tout l’argent blanchi est illégal, mais tout cet argent n’est pas mal gagné. Blanchir les produits d’activités criminelles en utilisant l’immobilier est carrément du mauvais blanchiment. Blanchir des économies légalement gagnées en Iran parce que la personne ne veut plus y vivre est un peu plus nébuleux. Le problème est que ces deux systèmes utilisent la même méthode de dissimulation. Lorsque vous cachez la véritable source de revenus, il est impossible de déterminer ce qui est légitime et ce qui ne l’est pas. 

Cela dit, les chiffres fournis sont assez accablants. Seuls les gros cas s’additionnent pour une somme suffisamment importante pour attirer l’attention du monde entier. C’est avant même d’examiner le montant de capital qui passe à travers de mauvaises mesures du système. La problématique finale est que ces montants d’argent issus du blanchiment peuvent avoir un impact sur les prix des logements.