Dans un marché immobilier perpétuellement sous-approvisionné, le discours partout au Canada est que nous devons « mettre les pelles dans le sol » et construire.
Cependant, cela ne se traduit pas exactement par une vague d’actions et d’activités dans le marché. Le secteur de la construction a connu des difficultés ces derniers temps, en raison de tout, des problèmes de chaîne d’approvisionnement et des pénuries de main-d’œuvre en plus d’être exposé aux taux d’intérêt extrêmement élevés. De plus, les réglementations restrictives rajoutent de l’huile sur le feu.
Bref, le Canada n’est pas à la hauteur de sa capacité de construction, selon un rapport de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) paru en mai. Dans le rapport, rédigé par Mathieu Laberge, vice-président principal, Économie et perspectives du logement à la SCHL, le thème qui résonne le plus est en lien avec le fait que le Canada dispose des ressources de construction dont il a besoin, mais que les maisons ne sont pas construites aussi rapidement qu’elles le pourraient.
Comme le souligne Laberge, même si les pénuries de main-d’œuvre demeurent un obstacle à l’augmentation de l’offre, environ 650 000 travailleurs construisaient des maisons au Canada en 2023, le nombre le plus élevé que le pays n’ait jamais connu !
Cependant, l’activité de construction n’a pas suivi le rythme de croissance des ressources dédiées dans le pays.
« Avec les ressources actuelles, nous devrions construire entre 130 000 et 225 000 logements de plus chaque année », écrit Laberge. « Cela équivaut à un rythme annuel de plus de 400 000 mises en chantier par an. »
Selon lui, pour atteindre ce potentiel, il faudra des changements structurels à long terme. Même si Laberge reconnaît que l’industrie canadienne de la construction a apporté des changements pour aider à avancer dans cette direction, y compris des réglementations au niveau municipal, il affirme que davantage « peut et doit » être fait par le gouvernement et l’industrie pour accroître la productivité dans le secteur de la construction de nouvelles maisons.
Les normes à suivre
Laberge souligne comment, jusqu’au milieu des années 2000, les mises en chantier étaient étroitement liées à l’emploi et au produit intérieur brut (PIB) dans la construction résidentielle. Les années qui ont suivi ont vu une augmentation des investissements dans la construction résidentielle, tant en termes de financement que de main-d’œuvre, mais le rythme de la construction n’a pas suivi, note le rapport.
La SCHL a étudié différentes façons d’analyser le potentiel du Canada en matière de production de mises en chantier. Selon leurs estimations, les mises en chantier en 2023 seraient bien en deçà du potentiel. Selon la SCHL, il y a eu 240 267 mises en chantier au Canada en 2023. Cependant, selon leur analyse, une estimation approximative place le potentiel de production annuelle de logements à l’objectif susmentionné de 400 000 nouveaux logements.
Premièrement, les chercheurs de la SCHL ont examiné le nombre moyen de travailleurs nécessaires pour chaque unité d’habitation commencée. « Cela peut être considéré comme une mesure estimée de la productivité du travail dans le secteur de la construction résidentielle », écrit Laberge. Ces statistiques révèlent que, de 1999 à 2004, le nombre de travailleurs par construction de logements était bien inférieur aux chiffres actuels. Cela implique que la productivité était plus élevée il y a 20 à 25 ans.
L’estimation de la SCHL selon laquelle les mises en chantier au pays auraient pu atteindre près de 400 000 en 2023 est environ 70 % plus élevée que le nombre total d’unités commencées cette année-là. La SCHL a déclaré qu’elle avait utilisé les niveaux d’emploi actuels de l’industrie et qu’elle supposait que les niveaux de productivité passés pourraient être atteints.
Laberge cite le plus récent Rapport sur l’offre de logements de la SCHL, qui révèle que le ratio des mises en chantier par rapport à la population diffère considérablement d’une région métropolitaine de recensement (RMR) canadienne à un facteur de deux ou plus.
Ils ont examiné les mises en chantier par habitant à Calgary, Edmonton et Vancouver, des villes qui ont historiquement connu un ratio de mises en chantier plus élevé.
« Cette approche suppose que les préférences et les situations en matière de logement sont en théorie assez uniformes à travers le pays », écrit Laberge. « D’autres facteurs, tels que le contexte économique, l’organisation industrielle et la réglementation, pourraient influencer ce ratio différemment selon les villes. »
Les réglementations pointées du doigt
Selon la SCHL, si les mises en chantier au Canada avaient été à l’image des marchés les plus performants l’année dernière, l’offre supplémentaire aurait été de près de 430 000 nouvelles unités. Mais cela ne s’est évidemment pas produit. « Et les réglementations locales sont en cause », estime Laberge.
« L’écart entre la production de logements mis en chantier et la population dans les villes canadiennes laisse entendre que la réglementation joue un rôle important dans l’accélération de l’activité de construction, en particulier la réglementation municipale », écrit Laberge.
« Considérez le temps qu’il faut pour des choses comme la délivrance des permis, les réglementations concernant le nombre d’étages et d’unités qu’un bâtiment peut contenir, les redevances d’aménagement (certaines sont réglementées aux niveaux local et régional). Ce n’est que pour en nommer quelques-uns, il y en a bien d’autres.
Laberge souligne l’enquête de 2022 sur la réglementation municipale et foncière de la SCHL, qui a révélé que Toronto et Vancouver avaient des contraintes accrues en matière d’utilisation des terres et de réglementation, tandis que l’Alberta avait une réglementation plus flexible. Cela dit, Laberge affirme que la Colombie-Britannique a depuis créé des assouplissements dans la réglementation que les municipalités doivent mettre en œuvre, ce qui témoigne d’un « désir clair d’amélioration ».
Les gouvernements à la rescousse
Du côté des bonnes nouvelles, Laberge souligne le nouveau Fonds d’accélération du logement du gouvernement fédéral. Le programme vise à financer les modifications réglementaires municipales afin d’accélérer la construction de logements.
Selon Laberge, cela a donné lieu à des ententes avec 179 municipalités. De plus, Laberge affirme que le Plan de logement du Canada a récemment ajouté un financement supplémentaire qui se traduira par davantage d’ententes à travers le pays.
Mais le gouvernement fédéral ne peut pas assumer tout le poids. Laberge affirme que la réglementation au niveau provincial joue également un rôle clé pour accélérer le démarrage des travaux. « Par exemple, le gouvernement du Québec s’efforce de favoriser plus de flexibilité dans la façon dont les différents métiers de la construction sont embauchés sur les projets de construction, afin d’augmenter l’activité de construction résidentielle.
Dans ce qu’il appelle « l’éléphant dans la pièce », Laberge illustre que l’industrie de la construction résidentielle au Canada est très fragmentée. À l’échelle du pays, près de 69 % des entreprises de construction comptent moins de cinq employés, une seule entreprise canadienne comptant plus de 500 employés.
« La consolidation pourrait contribuer à générer des économies d’échelle, en rendant les calculs plus efficaces pour construire des logements abordables et en permettant aux Canadiens de bénéficier de certaines économies de production », écrit Laberge.
« Pendant des années, le secteur de la construction résidentielle a pointé du doigt la réglementation comme la principale contrainte à la construction d’un plus grand nombre de maisons ». Les faits montrent que des progrès peuvent effectivement être réalisés dans ce domaine et que tous les niveaux de gouvernement s’adaptent, mais il faut faire davantage.
Laberge appelle à une discussion sur la manière dont la réglementation municipale et provinciale peut contribuer à l’expansion du développement résidentiel au Canada : « Un dialogue approfondi doit avoir lieu sur ce que les employeurs, les syndicats et les employés du secteur de la construction résidentielle sont prêts à contribuer en termes d’expansion de mises en chantier et permettre au Canada d’atteindre son plein potentiel, en échange d’une plus grande flexibilité réglementaire. »
Entre-temps, les statistiques révèlent que le mois de mars a été marqué par une baisse notable des permis de construire à travers le pays.