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Un nombre record d’Ontariens quittent la province

11 octobre, 2022   |   Par Kadiatou Bah

« Quittez l’Ontario » a été le conseil traditionnel donné aux acheteurs potentiels frustrés par le marché du logement inabordable de la province. En 2021, près de 108 000 Ontariens ont pris à cœur ce conseil bien avisé, soit un nombre jamais vu depuis le début des années 1980.

Les sorties se sont poursuivies au deuxième trimestre de cette année, lorsque 49 000 résidents supplémentaires ont fait leurs valises et ont déménagé dans une autre province, selon des données récemment publiées. Cela a fait en sorte que la province a connu sa plus forte perte nette trimestrielle sur la migration interprovinciale depuis 1971.

Où sont-ils tous allés ?

Selon les estimations de Statistique Canada concernant la migration interprovinciale en provenance de l’Ontario, environ le quart d’entre eux ont déménagé en Alberta. Un autre quart se serait expédié aux Maritimes et à Terre-Neuve-et-Labrador, puis la Nouvelle-Écosse se taillerait la part du lion des nouveaux arrivants.

Pour la première fois de son histoire, le Québec a accueilli plus d’Ontariens que de natifs qu’il en a exporté en Ontario. Et la Colombie-Britannique a accueilli son plus grand nombre d’arrivées en provenance d‘Ontario depuis le début des années 1990.

Parallèlement, un rapport de la Banque Scotia indique que l’Ontario a accueilli 198 500 nouveaux arrivants de l’extérieur du Canada, un record jamais vu depuis au moins 1946. Néanmoins, les agents immobiliers des Maritimes et de l’Alberta remarquent les effets de la migration interprovinciale.

L’Alberta et les Maritimes sont les grands bénéficiaires de la migration interprovinciale

Dans le cas de l’Alberta, l’afflux d’Ontariens a toujours été la norme, et non l’exception.

Le grain de sel de l’immobilier

Comme la Banque Scotia l’a noté dans son rapport, le boom pétrolier des années 1980 et le dernier plus important, qui a pris fin en 2010, ont incité de nombreux Canadiens à déménager en Alberta et en Saskatchewan pour y travailler. Dernièrement, l’attrait des logements à faible coût est l’une des principales raisons pour lesquelles les Ontariens déménagent dans l’Ouest.

« Il n’y a pas de droits de cession immobilière sur le logement », affirme Brad Mitchell, président de l’Alberta Real Estate Association. « Le logement est beaucoup plus abordable partout en Alberta si vous le comparez à Toronto ou à certains des grands centres-villes de l’Est. », a-t-il déclaré.

Selon les données de l’Association canadienne de l’immeuble (ACI), le prix moyen des maisons en Alberta n’était que de 423 879 $ en août, comparativement à 829 739 $ en Ontario.

Mais les raisons pour lesquelles tant d’Ontariens ont quitté leur province d’origine vont au-delà du simple coût du logement. Mitchell affirme que la possibilité pour les Ontariens de travailler à distance tout en vivant au pays de Wild Rose a également joué un rôle important dans leur déménagement.

Ce même facteur vaut également pour la Nouvelle-Écosse. Au deuxième trimestre, la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick ont enregistré leurs plus fortes hausses nettes de la migration interprovinciale depuis 1971.

Matt Dauphinee, président élu de l’Association des agents immobiliers de la Nouvelle-Écosse, affirme que de nombreux résidents finissent par quitter la province, principalement pour aller vers l’Ontario, l’Alberta ou la Colombie-Britannique, après avoir terminé leurs études pour trouver un bon emploi. « Maintenant, les gens peuvent ramener leur emploi à la maison avec eux », dit Dauphinee. « Une grande partie de cette migration interprovinciale était due au retour des Néo-Écossais chez eux. », a-t-il fait remarquer.

Le résultat a fait de la Nouvelle-Écosse l’un des marchés du logement à la croissance la plus rapide au Canada, dit Dauphinee. La province est l’une des rares où les prix des maisons sont demeurés résilients malgré la hausse des taux d’intérêt et l’affaiblissement de l’économie. Selon les données de l’ACI, le prix moyen des maisons vendues en août 2022 était encore près de 18 % plus élevé que l’année précédente.

L’Alberta a également connu une croissance substantielle du marché de l’habitation en 2022, bien que Mitchell affirme que le marché de l’habitation de Calgary a tout juste éclipsé son sommet historique de 2014, l’année où les marchés mondiaux du pétrole ont connu une chute importante. « Nos membres [l’ont remarqué] », dit Mitchell à propos des hausses de prix plus tôt cette année, « mais [ce n’était] pas hors de contrôle. », a-t-il dit.

Depuis, les prix en Alberta se sont affaiblis, non seulement dans le cadre du repli global observé partout au pays en raison de la hausse des taux d’intérêt, mais aussi en raison d’un rebond du nombre de mises en chantier de logements neufs par rapport aux six premiers mois de la pandémie.

« Nous avons constaté une certaine rétraction des prix et un certain ralentissement du marché », a déclaré Mitchell. Avec beaucoup de maisons à vendre et d’autres en route, il ne croit pas que la province verra un choc de demande de sitôt.

Pendant ce temps, les Ontariens regardent avec tendresse l’herbe plus verte à l’extérieur des frontières de leur province. Un sondage mené au début de juin pour l’Association de l’immeuble de l’Ontario a révélé que près de la moitié de tous les acheteurs de moins de 45 ans ont envisagé de quitter la province pour acheter une maison.

Un tiers des acheteurs de moins de 30 ans croient qu’ils signeront certainement ou très probablement un prêt hypothécaire dans une autre province ou un autre territoire.

Tim Hudak, président de l’association, affirme que l’abordabilité du logement est le principal moteur du mouvement de la population, mais que la possibilité de vivre à l’extérieur de la province, tout en travaillant en Ontario, est également un facteur.

Malgré une longue histoire de migration vers d’autres provinces, Hudak s’inquiète de la migration interprovinciale liée à la pandémie. « Il s’agit d’une nouvelle tendance, qui n’augure rien de bon pour notre croissance future si nous perdons de jeunes talents. », dit-il

L’analyse de la situation par la Banque Scotia suggère le contraire. Selon un rapport récent, il a estimé que les pertes nettes de 31 000 Ontariens chaque année, provenant à la fois de la migration interprovinciale et de l’immigration, offriraient une réduction négligeable de 0,02 point de pourcentage de la croissance économique sur deux ans. Comme le souligne le rapport, la popularité croissante de l’Ontario parmi les nouveaux arrivants canadiens « pourrait compenser les pertes d’effectifs interprovinciales dans le pire des cas ».