La capacité à négocier est l’une des compétences les plus essentielles en immobilier. Que ce soit avec des vendeurs, des locataires, des partenaires financiers, des courtiers en assurances, vous aurez constamment à négocier. Or, contrairement à ce que plusieurs vendeurs de style “vieux d’ la veille” croient, savoir négocier, ça ne veut pas dire tirer la couverte de son coté pour tout et rien de manière hostile. La négociation, c’est avant tout une manière de connecter avec l’autre, de chercher des terrains d’ententes, et utiliser des repères objectifs pour baliser les attentes des deux parties. Avant de vous lancer dans la lecture de cet article, n’hésitez pas à consulter le “guide de l’investissement immobilier multilogement”.
L’attitude générale
Il faut laisser de côté la conception selon laquelle la négociation passe par une attitude ferme, exigeante, sans concession. Avez-vous déjà reçu un message, lorsque vous aviez mis en vente un article sur kijiji, de la part d’un acheteur qui vous proposait le quart du prix demandé, en ajoutant “et pas une cenne de plus!”. Certaines personnes croient que de reproduire ce genre de requêtes à très grande échelle finira par porter fruit. Or, en plus de ne pas rencontrer vos attentes, ce type d’attitude est à l’origine d’une posture antagoniste qui ne donne pas particulièrement au vendeur de s’adapter à l’acheteur, puisqu’elle mise davantage sur la coercition que sur l’influence.
L’autre attitude qu’il faut quant à moi proscrire, c’est l’attitude que j’appelle “l’attitude du vendeur de char usagé” (sans rancune pour les vendeurs de voitures usagés, je sais que vous n’êtes pas tous comme ça). Il s’agit pour moi d’une personne qui semble toujours offrir des opportunités en or, pour une durée limitée, qu’il ne faut absolument pas manquer. Même si a priori ce type de négociation tente de miser sur l’influence plutôt que sur la coercition, ce type d’attitude donne généralement aux gens le sentiment d’être pris pour des imbéciles et brise le lien de confiance.
Je pense plutôt que l’attitude à préconiser est la version la plus “relatable” et crédible de vous-même. L’idée c’est d’abord de miser sur ce que vous avez en commun avec l’autre, et de partir de cette connection pour signifier vos besoins. Ensuite, dans un ordre d’idée plus tangible, étant donné que les pré-qualification n’existent pas dans le cadre des financements commerciaux, ayez à tout le moins un preuve de mise de fond correspondant à la véritable mise de fond que vous aurez à débourser au regard des valeurs finançables du moment (lire mon article “les différentes valeurs en investissement immobilier multilogement’).
Les étapes
Bref, si on avait à disséquer une négociation en étapes, je crois que la première étape serait de se renseigner au maximum. Sur la situation donnée mais aussi sur la personne à qui vous vous rapporterez. Posez des questions ouvertes et laissez parler.
Car éventuellement, la seconde étape est probablement de réfléchir globalement à son image. Est-ce que, tout en restant moi-même, l’autre peut se reconnaître en moi et me faire confiance ? Une part d’adaptabilité est de mise, vous ne vous habillerez pas de la même manière pour lever des capitaux que pour négocier avec un locataire problématique. On ne discute pas de la même manière avec une Audette de 85 ans qu’avec Marc de 45 ans. Essayez de vous demander, si vous étiez dans la vie de cette personne là, quelle place occuperiez vous ? Le père, le frère, le fils, l’ami ? Ça vous donnera des pistes afin de parvenir le plus rapidement possible à développer une familiarité avec la personne en question.
La troisième étape, c’est probablement justement d’établir un lien de confiance solide. Identifiez bien les avantages et inconvénients pour les deux parties, et partagez certains points afin de briser l’antagonisme : vous ne jouez pas seulement pour faire valoir vos intérêts, vous démontrez que vous avez un souci de mutualité.
La quatrième étape, c’est l’ancrage. Que ce soit vous ou l’autre qui parle en premier, assurez-vous qu’avant que qui que ce soit ne parle, vous ayez ensemble survolés différents comparables afin de baliser la discussion. Une fois que l’ancrage est posé, la quatrième étape c’est aussi de penser à toutes les concessions possibles, au sujet de dimensions secondaires de la transaction. C’est ici que la créativité est de mise. À chaque fois qu’on vous demandera une concession sur l’ancrage, vous ne bougerez pas sans avoir droit à des concessions qui le justifient. Au fur et à mesure que la transaction avance, par exemple dans le cadre de l’achat d’un immeuble, vous faites réaliser une inspection, un test environnemental, une évaluation agréée, un test environnemental, une offre de financement, et toutes ces nouvelles données peuvent permettre à obtenir des concessions, dans la mesure où elles présentent des données qui ne pouvaient être connues au départ. Attention, si vous négociez à Outremont un immeuble extrêmement en demande ou à Cowansville, un immeuble qui ne se vend pas depuis longtemps, vous ne pourrez pas réclamer les mêmes égards.
Et bref, cinquième étape, assurez-vous d’avoir toujours sous la main un contrat permettant d’officialiser ce qui est discuté, afin de cristalliser au plus vite possible les avancements apportés à la transaction. Trop souvent, par manque de rigueur formelle, on obtient des avancées, à l’oral, sur lesquelles le tiers partie revient par la suite, après avoir discuté à un beau frère, un comptable, un notaire, etc.
Un courtier ou pas ?
Pour faire simple, un bon courtier oui, un mauvais courtier non ! Ça simplifie énormément le processus de négociation que d’avoir quelqu’un qui transfère les requêtes de manière claire et officielle, avec un délai fixe. Ça évite des situations où un vendeur attend que vous lui donniez un prix, et qu’il se retourne ensuite de tous côtés pour voir si quelqu’un n’a pas mieux à offrir, qu’il revienne sur sa parole, que la transaction finisse pas traîner, etc. Un bon courtier a aussi un regard lucide à propos des valeurs transactionnelles et pourra vous aiguiller jusque dans la planification des optimisations. Un mauvais courtier cependant vous induira en erreur, soit par incompétence, soit par désir de clore la transaction le plus rapidement possible, et ne sera pas en mesure de justifier vos requêtes à partir de balises objectives.
Le prix, mais pas à tout prix !
Comme mentionné plus haut, il faut être au fait de l’ensemble des concessions qui concernent les variables secondaires de la transaction. Parfois un vendeur voudra absolument son prix et vous devriez plutôt négocier une dette subordonnée, la vacuité de certains logements à l’achat, une date notariale spécifique, des réparations, etc. Dans certains cas, même si le prix ne vous convient pas du tout, qu’il ne respecte pas vos ratios de base, il est très bien possible que vous puissiez tout de même aller chercher un TRI intéressant.
Conclusion
Par ailleurs, n’oubliez jamais qu’une grande partie de la négociation se passe de manière subliminale. Le ton de la voix est capital, on recommande généralement une voix grave et posée ou une voix sympathisante, joueuse. La gestuelle joue par ailleurs énormément aussi, par exemple, on recommande parfois de reproduire de manière subtile les comportements de l’autre, ce serait une manière inconsciente de lui signifier sa sympathie et sa ressemblance. Quoi qu’il en soit, il y aurait encore beaucoup à couvrir sur la négociation et il s’agit de l’une des compétences les plus importantes que vous aurez à développer dans votre entreprise d’investissement en immobilier multilogement.