Articles

L’inflation à 8,1 % fait craindre une autre hausse inhabituelle des taux

21 juillet, 2022   |   Par Kadiatou Bah

Un taux directeur hypothétiquement au-dessus de trois pour cent pourrait représenter un défi pour les consommateurs, les dirigeants et les investisseurs qui se sont habitués à emprunter à des coûts plus proches de zéro.

L’indice des prix à la consommation (IPC) est l’indicateur utilisé par la Banque du Canada pour guider la voie que suivent les taux d’intérêt. Selon l’annonce mercredi de Statistique Canada, l’IPC a bondi à 8,1 % en juin, soit la plus forte hausse d’une année à l’autre depuis janvier 1983.

Que doit-on en retenir ?

L’accélération par rapport à la lecture de 7,7 % du mois de mai est principalement attribuable aux prix du carburant, qui ont augmenté de 54,6 % par rapport à juin 2021, comparativement à un gain de 48 % d’une année à l’autre observé le mois précédent.

Les prix du pétrole ont atteint un sommet au début de juin et se sont depuis quelque peu détendus, ce qui suggère que les chiffres de juillet seront moins sévères. Cependant, l’inflation s’est propagée bien au-delà des stations-service. L’indice des prix à la consommation a tout de même affiché une hausse de 6,5 % d’une année à l’autre après que Statistique Canada eut soustrait l’essence, comparativement à 6,3 % en mai dernier.

Sept des huit principales composantes ont affiché des hausses supérieures à trois pour cent, ce qui constitue le haut de la fourchette de confort de la Banque du Canada en matière d’inflation. La banque centrale vise en général deux pour cent d’inflation.

Le gouverneur Tiff Macklem ne sera pas choqué par les nouveaux chiffres de l’inflation. Selon les dernières prévisions de la Banque du Canada, l’indice des prix à la consommation prévoit des hausses annuelles moyennes de huit pour cent au troisième trimestre et des gains moyens d’environ trois pour cent à la fin de 2023. C’est loin de l’objectif, c’est pourquoi les décideurs ont augmenté les coûts d’emprunt d’un point de pourcentage la semaine dernière.

Comment s’en sort l’immobilier ?

L’inflation pour le logement selon Statistique Canada a augmenté de 7,1 % en juin, soit moins que les 7,4 % affichés en mai. Il est peut-être trop tôt pour le dire avec certitude, mais le refroidissement rapide du marché immobilier pourrait compenser les pressions inflationnistes ailleurs. Statistique Canada note que les agents immobiliers perçoivent des commissions moins élevées parce que les prix ont chuté.

À court terme, la hausse des taux d’intérêt pourrait exercer une pression à la hausse sur les coûts du logement, car les prêts hypothécaires augmenteront. Cependant, si les prix des maisons continuent de baisser, « cela pourrait entraîner des taux plus élevés pour freiner plus rapidement l’inflation élevée au Canada par rapport aux États-Unis », a déclaré Veronica Clark, économiste chez Citigroup Global Markets Inc., dans une note à ses clients.

 « C’est une raison fondamentale pour laquelle nous continuons de penser que les taux directeurs pourraient atteindre un niveau terminal légèrement inférieur au Canada qu’aux États-Unis. », a-t-elle commenté.

 Pic, récession… Incertitude

Un signe que l’inflation pourrait atteindre un sommet bientôt est une décélération du rythme des augmentations d’un mois à l’autre. L’indice des prix à la consommation a augmenté de 0,7 % par rapport à mai, ce qui est considérablement plus bas que l’accélération mensuelle précédente de 1,4 %. Les prix des produits de base réagissent à la réalité, ce qui pourrait se répercuter sur le coût des produits finis dans les mois à venir.

Le communiqué « indique de potentielles nouvelles positives sur le front des prix », a déclaré Randall Bartlett, économiste chez Groupe Desjardins, dans une note, avant d’ajouter que les nouvelles n’étaient pas si positives et qu’elles n’empêcheront pas la Banque du Canada d’augmenter le taux de référence d’un demi-point ou de trois quarts de point en septembre.

Le coût de la vie augmente plus vite que les salaires, donc quelque chose doit être fait. L’économie se dirige presque certainement vers un ralentissement de la croissance économique, car la hausse des taux d’intérêt a déclenché une correction sur les marchés du logement comme vu plus haut et la flambée des coûts des aliments ainsi que ceux du carburant drainent le revenu disponible des consommateurs qui pourrait autrement être utilisé pour soutenir la consommation en général.

La Banque du Canada a prédit la semaine dernière que le produit intérieur brut augmenterait de 1,8 % en 2023, en baisse par rapport à 3,5 % cette année. L’équipe économique de la Banque de Nouvelle-Écosse a annoncé cette semaine qu’elle prévoyait une croissance de 1,6 % l’an prochain, alors que la demande refoulée par la pandémie compense les vents contraires liés à la hausse des taux d’intérêt.

Les économistes de la Banque Royale du Canada pensent que nous nous dirigeons vers une récession. Quoi qu’il en soit, un atterrissage en douceur devient de plus en plus difficile à exécuter.

La semaine dernière, la banque centrale a déclaré que d’autres hausses de taux d’intérêt étaient à venir, et la nouvelle lecture de l’inflation suggère qu’il s’agira d’une autre hausse inédite lors de la prochaine réunion des décideurs politiques en septembre. Cela pousserait le taux de référence au-dessus de trois pour cent, ce qui pourrait être un défi supplémentaire pour les consommateurs, les dirigeants et les investisseurs qui se sont habitués à emprunter à des coûts plus proches de zéro.