La banque centrale prévient que les pressions inflationnistes continuent de se renforcer et qu’elle continuera d’agir contre l’inflation
Le 1er juin, la Banque du Canada a relevé son taux d’intérêt de référence d’un demi-point pour atteindre 1,5 %, alors qu’une nouvelle étude de CPA Canada (Comptables Professionnels Agréés) affirmait que la moitié des non-propriétaires qui y ont participé, estime « peu probable » le fait de s’acheter un jour une maison.
Sur une pente ascendante
Le message est clair, la banque centrale a choisi d’augmenter son taux directeur au niveau le plus élevé depuis 2019. Les décideurs ont augmenté les coûts d’emprunt lors de trois réunions consécutives, et lors des deux dernières, ils ont opté pour des augmentations inhabituellement importantes d’un demi-point. Celles-ci interviennent pour une première fois depuis que la Banque du Canada a commencé à programmer des annonces de taux d’intérêt, en l’an 2000.
Le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, a une mission, celle de maintenir l’indice des prix à la consommation à un taux annuel d’environ 2 % par an, pourtant l’indice a augmenté de 6,8 % en avril par rapport à l’année précédente. C’est assez inquiétant et cela ne risque pas de changer tout de suite, car la banque centrale a clairement indiqué dans leur nouvel énoncé de politique que la pression inflationniste continue de s’accumuler.
L’indice des prix à la consommation « va probablement encore augmenter à court terme avant de commencer à se détendre », indique le communiqué. Cet assouplissement nécessitera des taux d’intérêt plus élevés pour étouffer la demande. L’inflation continue donc de prendre de la place.
Selon le communiqué, « Le risque que l’inflation élevée s’enracine a augmenté ». Par conséquent, « La banque utilisera ses outils monétaires pour ramener l’inflation à son objectif et maintenir les attentes d’inflation bien ancrées. », nous sommes prévenus au moins.
Une demande stimulée
Une grande partie de l’augmentation de l’inflation échappe au contrôle de la Banque du Canada. La plupart des économies les plus riches du monde sont confrontées à des situations similaires en raison des pénuries d’approvisionnement liées à la pandémie et de la flambée des prix des matières premières liée à l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
Pourtant, les décideurs ont été pris au dépourvu par la rapidité avec laquelle l’économie s’est remise de la récession du COVID-19. Le taux de chômage est maintenant à son plus bas niveau moderne et, le 31 mai, Statistique Canada a déclaré que l’économie avait dépassé la dernière vague pandémique et avait connu une croissance au taux annuel de 3 % au premier trimestre.
« L’activité économique canadienne est forte et l’économie fonctionne clairement avec une demande excédentaire », a déclaré la Banque du Canada. « Avec les dépenses de consommation au Canada qui restent robustes et les exportations qui devraient se renforcer, la croissance au deuxième trimestre devrait être solide. », anticipait le rapport.
D’autres grandes économies ont connu des difficultés au premier trimestre, de sorte que le Canada serait en relativement bonne position pour faire face à la récession mondiale qui, selon certains économistes, est imminente. Pourtant, toute cette activité ajoute à la pression inflationniste. La Banque du Canada a noté que les marchés du logement se “modèrent”, bien qu’ils viennent de “niveaux exceptionnellement élevés”. Cela suggère que des taux d’intérêt plus élevés commencent à avoir l’effet escompté.
Mais à mesure que les prix de l’immobilier chutent, la croissance des salaires s’est accélérée et élargie à tous les secteurs. Cela aidera les ménages à suivre la hausse des prix, mais cela suggère également que les décideurs politiques pourraient perdre leur emprise sur les anticipations d’inflation.
Nonobstant les attentes, des salaires plus élevés sont révélateurs d’un marché en manque d’approvisionnement. Si les entreprises doivent payer plus pour les travailleurs, elles augmenteront probablement les prix pour compenser cela. Voilà à quoi pourrait ressembler une inflation « enracinée ».
Qu’est ce qui nous attend ?
La Banque du Canada s’est montrée inhabituellement franche quant à l’orientation des taux d’intérêt.
« Avec une économie en demande excédentaire et une inflation persistante qui reste bien au-dessus de l’objectif et qui devrait augmenter à court terme, le Conseil des gouverneurs continue de juger que les taux d’intérêt devront encore augmenter », indique le communiqué.
La plupart des observateurs de la Banque du Canada considèrent que ce langage signifie au moins une augmentation d’un demi-point de plus lors de la prochaine réunion des décideurs en juillet, ce qui placerait le taux de référence à 2 %.
C’est important parce que la banque centrale estime qu’une fixation des taux d’intérêt entre 2 % et 3 % est probablement « neutre », en ce sens qu’elle n’alimente ni n’étouffe la croissance économique. La plupart des économistes pensent que la Banque du Canada devra aller plus haut que 2 % pour étouffer les pressions inflationnistes, mais ils sont divisés sur la question de savoir si cela signifie un taux de référence de 2,5 %, 3 % ou peut-être quelque chose d’encore plus élevé.
En lisant entre les lignes du dernier énoncé de politique, il semble probable que la Banque du Canada se dirige vers le haut de sa fourchette neutre. Or, selon l’étude de CPA Canada citée plus haut dans cet article, 90% des répondants ont affirmé considérer la hausse des taux d’intérêt comme le plus grand obstacle à leur entrée sur le marché du logement. La position de la banque centrale aura probablement pour effet de laisser certains Canadiens désirant être propriétaires sur le banc de touche.