En mars 2022, APH Select, un nouveau programme d’assurance hypothécaire gouvernemental a vu le jour, par un heureux hasard, au moment où le marché en avait le plus besoin. Avant toute chose, j’inviterais ceux qui ne sont pas à l’aise avec la notion d’assureur hypothécaire à lire mon article à ce sujet.
Ce programme pour investisseur immobilier d’assurance prêt hypothécaire (APH) de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), nommé « select », est mieux connu sous le nom APH Select.
Ce programme vise tout d’abord à inciter les investisseurs à contribuer à trois causes sociales :
- L’abordabilité des logements
- L’efficacité énergétique des immeubles
- L’accessibilité des logements aux personnes à mobilité réduite
En investissement immobilier, comment y parvient-il ?
Que ce soit pour de la construction neuve ou pour des immeubles usagés, la SCHL offre :
- Des ratios de couverture de la dette abaissés,
- Une période d’amortissement allant jusqu’à 50 ans,
- Une baisse du coût de la prime SCHL,
- Un ratio prêt-valeur pouvant théoriquement aller jusqu’à 95 %.
Ce programme offre donc des critères de financements extrêmement intéressants qui vous permettront d’aller chercher des produits de refinancement incomparables. Dans le contexte des taux d’intérêt actuel, ce programme arrive particulièrement à point (bien que ça soit par pur hasard), alors qu’il serait actuellement difficile d’obtenir un bon effet de levier sans lui. C’est aussi pour cette raison que la grande majorité des prêts qui sont signés à l’heure actuelle sont des prêts APH Select.
Dans cet article, nous survolerons les manières de se qualifier au programme, en insistant sur certains points desquels il faudra se méfier. Gardons en tête qu’il est essentiel de bien connaître les critères du programme avant de se lancer dans un projet d’optimisation, et non pas une fois le projet terminé : c’est votre effet de levier qui est en jeu, et donc votre taux de rendement interne.
Un système de points
Pour se qualifier au programme APH Select, il faut marquer des points. On peut marquer des points de trois manières possibles. Par la voix de l’abordabilité, de l’efficacité énergétique ou de l’accessibilité aux personnes à mobilité réduite. On peut choisir une seule catégorie comme on peut en allier plusieurs. J’expliquerai ici les principes de base, et les notes à garder en tête. Pour le pointage exact, je vous invite à consulter la page de la SCHL qui explique bien les règles du jeu.
L’abordabilité
L’abordabilité est la catégorie la moins ambiguë. La SCHL comptabilise sur son site le revenu médian, d’un secteur à l’autre du Québec. Un logement réputé abordable, c’est un logement dont le loyer se situe sous la barre des 30 % du revenu médian d’un secteur. Ensuite, ce qui fait que vous marquerez plus ou moins de points, c’est la proportion, dans votre immeuble, de logements pour lesquels vous vous engagez à ce qu’ils demeurent abordables pendant 10 ans.
Le TAL (Tribunal administratif du logement anciennement la Régie du logement)
Lorsque vous désignez un logement comme abordable, vous vous engagez cependant à ce que pendant 10 ans vous n’augmentiez pas les loyers d’un montant supérieur à ce que le TAL prescrit. C’est-à-dire que, même si les revenus médians triplaient, vous n’auriez pas le droit de faire suivre le coût de vos loyers.
La revente
Autre aspect à considérer, dans le cas où vous revendriez un immeuble au cours de votre engagement de 10 ans, soyez bien avertis que la situation est nébuleuse : théoriquement, votre acheteur devrait honorer l’engagement sur la période totale. Dans le cas d’un non-respect d’engagement, vous seriez tenu responsable du manquement.
Les vérifications immobilière
Sachez aussi que des vérifications seront faites afin que l’engagement soit bien honoré. La SCHL effectue des vérifications annuelles de vos registres de loyers (rent rolls) afin de s’assurer que vos engagements sont tenus correctement.
Des rumeurs
Certaines rumeurs courent aussi selon lesquelles il serait possible de faire changer d’adresse les logements abordables au courant du terme hypothécaire. Ce stratagème permettrait une certaine flexibilité à l’investisseur qui pourrait déplacer le logement abordable d’un endroit à l’autre afin de mener une optimisation généralisée de l’immeuble. Selon le courtier hypothécaire et investisseur immobilier Marc Sakha, cette pratique n’est pas possible.
Un angle mort
Il me paraît essentiel de souligner un « glitch » sur lequel plusieurs investisseurs immobiliers capitalisent actuellement. Un logement dont le coût se trouve sous les 30 % des revenus médians est un logement réputé comme étant abordable, peu importe sa dimension.
C’est-à-dire que, si, dans une région, le revenu médian maximal est de 2 666 $/mois, alors le loyer ne doit pas dépasser 800 $ par mois, et ce, que ce soit un 6 ½ ou un loft. Ce faisant, cette contrainte n’en est pas vraiment une pour la plupart des petites unités.
Éco-efficacité en immobilier
En ce qui concerne l’efficacité énergétique, l’affaire semble floue à premier abord. On accorde les points en fonction du pourcentage d’économie en gaz à effet de serre engendré par votre immeuble.
Comment peut-on quantifier la chose ?
Pour les immeubles usagés, il faudra tout d’abord faire venir un ingénieur en efficacité énergétique afin de faire un test d’infiltrométrie. Puis, après la rénovation, un deuxième constat devra être effectué afin d’évaluer la différence. Les deux constats sont subventionnés par le gouvernement pour ce qui est de l’usager. Prenons note que, de manière générale, une conversion du mazout vers l’électricité permet d’aller chercher le pointage maximal.
Attention, certaines personnes ont déjà délibérément altéré l’efficacité préoptimisation de leur immeuble afin de fausser l’ampleur de l’amélioration énergétique. Cette pratique, si dévoilée, ne sera pas appréciée par les professionnels du domaine financier !
Pour ce qui est de la construction neuve, il s’agit d’aller chercher une qualification par un consultant en efficacité énergétique sur la base des plans, puis de faire effectuer un suivi post construction qui confirmera leur réalisation.
Dans le cas d’un achat qui serait financé en APH select sur la base de l’efficience énergétique, il faut dans ce cas s’engager à effectuer les travaux dans les années qui suivront le moment du financement.
L’accessibilité en APH Select
Ce volet est probablement celui qui est le moins maîtrisé par les investisseurs de manière générale, puisqu’il comporte des critères assez pointus qui nécessitent absolument l’intervention d’un architecte.
Je vais essayer d’en tracer ici les grandes lignes, mais grosso modo, il faut se qualifier dans l’un des trois règlements suivants : le règlement B651-18 de la CSA, les normes de conception universelle, ou encore la fondation Rick Hansen. Un architecte devra témoigner par un rapport que votre immeuble s’y conforme.
Être visitable
Avant même de traiter la question de l’accessibilité, sachez que pour marquer des points avec un logement « accessible », il faut tout d’abord que la totalité des appartements de l’immeuble soit considérée « visitable ». Oui oui, la totalité !
Pour simplifier : peu importe le règlement, un immeuble visitable, c’est grosso modo un immeuble qui a principalement :
- Des corridors assez larges dans tous les logements et dans les aires communes (au moins 1000 mm de largeur),
- Des paliers devant chaque entrée (d’au moins 1700 x 1700mm),
- Pas de marches vis-à-vis des portes d’entrée.
- Un seuil le plus petit possible (moins de 13 mm), et s’ils font plus de 6 mm, une pente en biseau de 50 %.
- Des grandes portes partout, intérieures et extérieures (au moins 850 mm).
- Une espace vis-à-vis de toutes les salles de bain à l’étage accessibles d’au moins 1000 mm (donc pas nécessaire dans tout l’immeuble).
Être accessible ? APH Select !
Maintenant, pour un logement accessible, les critères se resserrent et s’étalent, dans le règlement B651-18, sur 15 pages. Je suis passé au travers pour vous en sortir les points qui me semblaient les plus essentiels :
- S’il y a un stationnement à votre immeuble, c’est très normé : de grandes voies piétonnières, de grandes places de stationnement, une aire d’embarquement.
- S’il y a dénivellation, à l’intérieur de la bâtisse ou sur le terrain, il faut de grandes rampes qui doivent respecter une pente maximale, longueur maximale, etc.
- Il peut y avoir des escaliers en plus des rampes, mais ils devront respecter certains critères (grandes marches et petites contremarches).
- Salle de bain et cuisine devront être très spacieuses et pratiquement tout y sera inhabituel : taille de la baignoire, de la toilette, il devra y avoir de l’espace entre chaque dispositif, rien ne devra être conçu en hauteur, des barres d’appui devront être posées solidement, la température de l’eau ne devra pas pouvoir dépasser 49 degrés, un dégagement pour les genoux devra être prévu sous le comptoir, etc.
- Il devra y avoir un système d’alarme.
- Des fenêtres à maximum 750 mm du plancher.
- Il devra y avoir une penderie aux proportions adéquates.
- Il faudra un espace extérieur tel que balcon ou terrasse d’au moins 1700 x 1700mm.
- Etc.
Autrement dit, pas facile de marquer des points de cette manière-là, et la SCHL en accorde assez peu par rapport à l’effort que ça implique. C’est probablement pour cette raison qu’une infime minorité d’investisseurs choisissent malheureusement cette avenue.
Une dernière question
Le programme APH select, est-il là pour de bon ? On n’aimerait pas qu’ils disparaissent dans cinq ans, puis qu’on ait soudainement 10 % de mise de fonds additionnelle à injecter parce qu’on est revenus aux anciens paramètres de financement SCHL.
Selon les courtiers hypothécaires Tommy Archambault et Mathias Hachey, le programme est assurément là pour rester, puisqu’il est parfaitement en phase avec la mission de la SCHL. Y aura-t-il des ajustements en cours de route ? Il y a fort à parier que ce sera le cas, et nous verrons dans le MCMFE quelle forme ça peut prendre.
Voilà qui met rapidement la table aux différentes considérations à prendre en compte avant de plonger dans les stratégies d’investissement en lien avec le financement APH select.
Dans le CMFE et a fortiori dans le MCMFE, nous abordons le sujet afin de vous permettre de planifier dès le début d’un projet votre plan de sortie. Le financement est tellement important en immobilier multilogement, il contribue à une partie monumentale de votre rendement, il faut donc le planifier dès le départ, et ne pas laisser le sort de vos investissements entre les mains du hasard !